Kristel Mourgue d’Algue est une ancienne joueuse du circuit européen, correspondante de Golf Magazine USA, co-propriétaire du Grand Saint Emilionnais Golf Club et ambassadrice « golf » des hôtels Beachcomber. Elle écrit tous les mois une chronique sur notre jeu préféré.

Chronique de Kristel Mourgue d’Algue : La psychologie, marge de progression du golf français

Photo : D.R.

Surprenante énigme… la France bénéficie de talents sportifs indéniables néanmoins, elle s’est toujours montrée hermétique à l’égard de la psychologie. Au regard des grandes nations sportives telles les Etats-Unis, la Chine ou encore la Russie, elle fait figure de dinosaure. Révéler un suivi psychologique s’est longtemps avéré un aveu de faiblesse. Lorsque le porte-drapeau du judo hexagonal, Teddy Riner, revendiqua en 2014 un accompagnement psychologique depuis l’âge de 14 ans, cela fit l’effet d’une déflagration dans un monde archaïque et pétri de certitudes. Première étape d’une prise de conscience devenue désormais vitale dans un milieu par définition ultra compétitif. Quant au golf tricolore, il opère lui aussi progressivement sa mue.

Son nom revient en boucle sur la scène golfique française depuis 2016 alors que c’est de cette femme blonde au regard percutant, animée, et modeste, dont parlait « Teddy Winner ». Meriem Salmi est en effet la première psychologue à rejoindre le contingent d’athlètes français aux JO de 2008 à Pékin. Par l’intermédiaire de son coach, le français de 35 ans, Mike Lorenzo-Vera, se trouva le premier à faire appel à cette femme brillante en 2016. Convaincu que les meilleurs s’entourent des meilleurs, il montra la voie à l’élite hexagonale et rapidement, Benjamin Hébert, Romain Langasque ou encore récemment Céline Boutier entrèrent dans la danse… Amusant de noter que la star montante, le Tarbais de 27 ans, Victor Perez a obtenu en 2014 un bachelor à l’université du Nouveau-Mexique en sciences et en…psychologie, et qu’il est aujourd’hui suivi par Deborah Graham, l’une des plus éminentes préparatrices mentales américaines.

Chronique de Kristel Mourgue d’Algue : La psychologie, marge de progression du golf français

Le Français Mike Lorenzo-Vera, 68ème mondial – Photo : D.R.

Désormais visible dans les médias grâce notamment à la publication il y a un an et demi de son livre remarquable « Croire en ses rêves et trouver son chemin », Meriem Salmi ne parle humblement que de travail accompli ou restant à accomplir. Selon elle, un mental d’exception reflète un travail acharné étalé sur de nombreuses années. Bien entendu, les champions disposent d’aptitudes exceptionnelles dont l’intelligence psychomotrice et émotionnelle pour réagir savamment à leur environnement mais peu négligent leur mental. L’américain, Tiger Woods en est un bon exemple. En effet, à son insu et alors âgé de 10 ans, son père Earl, lui imposa un caddie qui n’était autre que le psychologue, le Dr Jay Brunza. Il porta le sac du Tigre la majeure partie de sa carrière amateur et notamment lors de ses trois victoires successives et historiques à l’US Amateur. De même, le Dr Bob Rotella, célèbre entre autres pour son ouvrage « Jouer au golf sans viser la perfection », prêche la bonne parole dans les facs américaines depuis plus de vingt ans. Selon lui, « le champion doit croire avant tout en ses propres capacités, ce qui n’a rien à voir avec de la prétention » (Golf Digest, 5 Juin 2008). Les coachs universitaires de renom se révèlent les ambassadeurs de « la pensée positive » et déploient beaucoup d’énergie pour enrayer la diffusion du « côté obscur de la force » ! Les mauvais coups du jour se doivent de passer systématiquement à la trappe…

Chronique de Kristel Mourgue d’Algue : La psychologie, marge de progression du golf français

Le livre « inspirant » de Meriem Salmi – Photo : D.R.

L’objectif ne se trouve pas dans la dépendance mais bien au contraire dans l’autonomie afin de faire comprendre à l’athlète que la défaite fait partie intégrante de l’aventure. Elle ne constitue qu’une étape et permet également de progresser. Le but ultime au-delà des performances réside dans l’humain et sa quête de bonheur personnel. Trop souvent les sportifs s’identifient uniquement en fonction de leurs résultats. En outre, la mise en place de stratégies claires légitime de rester dans le présent et d’apprendre à raisonner. Exercer son mental se révèle aussi important que de façonner son swing. Ainsi, chaque compétition doit avoir un sens mais sur le long terme le processus de progression éclipse le résultat. Dès lors, cette préparation psychologique s’avère formidablement bienveillante et humaniste et redonne foi en l’humain.

Prodiguée dès le plus jeune âge, elle créerait les fondements d’une pensée instigatrice de champions. En France, l’école à l’image de la société tombe trop souvent dans la facilité pour se focaliser essentiellement sur le négatif. Bousculer les mentalités devient donc une priorité pour accéder à l’excellence. En d’autres termes, cet apprentissage de longue haleine, constitue un vecteur d’amélioration certain pour les golfeurs tricolores qui en détiennent le talent et les capacités.

Le journaliste américain Joel Beall a très joliment résumé le succès du fougueux norvégien de 22 printemps, Victor Hovland, à l’Open de Porto Rico il y a quinze jours : « Si on peut se conquérir soi-même, alors personne ne peut s’immiscer sur son chemin » (Golf Digest, 23 février 2020).

Chronique de Kristel Mourgue d’Algue : La psychologie, marge de progression du golf français

Photo : D.R.

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