A quelques mois de la Ryder Cup à Paris, le président de la fédération française, Jean-Lou Charon, fait un tour d’horizon du golf dans notre pays. Une interview réalisée fin avril.

Jean Lou Charon, Président de la Fédération Française de Golf – © David Raynal / Swing-Féminin

Vous rentrez tout juste du Maroc où vous avez assisté aux premières loges à la victoire d’Alexander Levy, lors du Trophée Hassan II. La possibilité de voir un joueur français disputer la Ryder Cup en septembre prochain au golf national et, pourquoi pas, affronter des légendes comme Tiger Woods ou Phil Mickelson, n’a-t-elle jamais été aussi forte ?

Jean-Lou Charon : C’est une très belle victoire, Alexander a parfaitement géré son tournoi. Je crois bien qu’il s’agit du premier succès français au Trophée Hassan II, qui a été remporté par quelques grands noms du golf par le passé *. Alexander a en tout cas marqué des points sous les yeux du capitaine Thomas Bjorn, sur un parcours difficile, qui s’est gagné à -8. C’est certain que la présence d’un joueur tricolore est ardemment souhaité par notre public et donnerait un éclairage particulier à l’événement dans notre pays. Mais quoi qu’il arrive, l’événement sera tout de même un gros succès.

Combien attendez-vous de visiteurs pour la Ryder Cup et quelle sera la couverture médiatique ?

Jean-Lou Charon : Il y a 51 000 spectateurs payants pas jour, sur les cinq journées (deux journées d’entraînement et trois journées de compétition) et 40 % des billets sont réservés aux licenciés français . On devrait atteindre 60 000 personnes par jour si l’on ajoute la presse, l’organisation, etc. Au total, on devrait accueillir près de 300 000 spectateurs.

Concernant la couverture médiatique, il s’agit du 3e événement sportif le plus suivi dans le monde avec potentiellement pas loin d’un milliard de téléspectateurs rivés sur leur écran ! Canal+ a d’ailleurs pris une belle décision puisque la chaîne diffusera chaque jour l’événement en clair pendant deux heures, ce qui est très rare. Des négociations sont également en cours afin que France Télévisions diffuse quotidiennement des spots de quelques minutes pour couvrir l’actualité de la Ryder Cup.

Ressentez-vous un engouement du public français pour la Ryder Cup, à cinq mois de l’événement ?

Jean-Lou Charon : Je ressens chez nos golfeurs un frémissement, comme lorsque l’eau va bientôt se mettre à bouillir. On m’en parle très souvent. C’est, qui plus est, un engouement national et pas seulement parisien, comme je le craignais un peu au départ. Entre mai et septembre, avec une pause en août, nous allons organiser la Ryder Cup Golf Tour avec 12 étapes dans des lieux de passage du centre de grandes villes françaises : Metz, Dijon, Lyon, Marseille, Montpellier, Bordeaux, Nantes, Orléans, Lorient, Rouen, Lille. La semaine de la Ryder Cup, il y aura à Paris des animations sur le parvis de l’hôtel de Ville.

Des personnalités seront-elles présentes au golf national durant cette semaine si particulière ?

Jean-Lou Charon : Le président de la République s’est engagé à venir, en fonction de ses disponibilités. Emmanuel Macron est un amoureux du sport, il joue d’ailleurs au tennis et il y a un lien entre nos deux disciplines. Je joue moi-même aux deux d’ailleurs, comme beaucoup de golfeurs et de tennismans. Thomas Bach, le président du CIO, devrait également être présent, le golf étant désormais un sport olympique. Enfin, certaines rumeurs laisseraient entendre que le président des Etats-Unis Donald Trump, grand passionné de golf comme nombre de ses prédécesseurs d’ailleurs, pourrait faire un saut à Paris suivant le score…

La proximité avec la Ryder Cup, qui se jouera sur le même parcours au golf national, pourrait-elle attirer quelques stars américaines pour le prochain Open de France (du 28 juin au 1er juillet) ?

Jean-Lou Charon : Je me suis entretenu avec Jim Furyk, le capitaine de l’équipe américaine, lorsqu’il est passé récemment à Paris. Il m’a confié que leur idée était plutôt de venir découvrir le parcours durant l’été, en privé, avec certain de ses joueurs. En revanche, nous aurons sans doute un plateau exceptionnel au niveau des joueurs européens, avec une présence de nombreux membres du top 20 et de ceux qui espèrent encore se qualifier pour la Ryder Cup. Je sais que Henrik Stenson, par exemple, a émis l’idée de jouer le tournoi. On devrait en savoir plus très prochainement. (Entre-temps, le n°1 mondial Justin Thomas ou encore les Espagnols Jon Rahm et Sergio Garcia ont annoncé leur participation à l’Open de France)

Le fait d’avoir une ministre des Sports, Laura Flessel, qui joue au golf, est-ce un plus à vos yeux ?

Jean-Lou Charon : Bien sûr ! En parlant de son amour pour ce jeu, la ministre contribue au mouvement d’ouverture du golf au plus grand nombre. L’idée que le golf est un sport élitiste existe encore en France, hélas.

Après plusieurs années de légère baisse, le nombre de licenciés s’est-il stabilisé ?

Jean-Lou Charon : Oui, il a même très légèrement augmenté puisqu’on dénombrait, au 31 décembre 2017, 410 261 licenciés , soit une hausse de 0,62 % par rapport à l’année précédente. On a en revanche du mal à garder nos jeunes, les 18 ans et moins représentant 10 % de nos licenciés. La réforme des rythmes scolaires il y a quelques années nous a fait beaucoup de mal, ainsi qu’à d’autres sports d’ailleurs, comme le judo et l’escrime. Aujourd’hui, les rythmes sont à l’appréciation des maires, ce qui peut nous aider à attirer de nouveaux jeunes.

Quelle est la proportion des femmes, notamment en comparaison avec d’autres pays ?

Jean-Lou Charon : Il y a 27,5 % de joueuses en France, mais c’est insuffisant à mes yeux et nous pouvons faire mieux, d’autant qu’elles étaient 30 % en 2011. Cela reste tout de même mieux que les Américains (19 % de joueuses) et les Britanniques (22 %). Je crois que la Corée du Sud doit être l’un des pays où il y a la plus forte proportion de golfeuses, même si je n’ai pas le chiffre en tête. Les Sud-Coréennes sont d’ailleurs très présentes sur le circuit pro.

Quelles sont les mesures prises pour développer le golf féminin en France ?

Jean-Lou Charon : Il faut faciliter la vie des joueuses. Nous avons remarqué que les femmes jouent souvent entre elles, en groupe, et que si l’une d’elles change de sport ou s’arrête de jouer, le groupe se disloque facilement et les autres s’arrêtent aussi. Il y a aussi de nombreuses mères de famille. Comme elles disposent de moins de temps, nous avons incité les clubs à développer des système de garderie. Nous avons aussi développé les compétitions sur 9 trous. Sans oublier les « lady’s days », avec des tarifs préférentiels sur de nombreux parcours un jour dans la semaine.

En France, la qualité de nos parcours et de nos infrastructures est-elle à la hauteur des autres pays, notamment européens ?

Jean-Lou Charon : Oh oui, largement ! Il y a 734 structures golfiques en France et beaucoup de parcours de grande qualité et très bien entretenus, que beaucoup nous envient. Tout comme certains de nos greenkeepers d’ailleurs, qui ont gagné le respect et sont sollicités à l’étranger.

Nous aimerions aussi attirer davantage de touristes. Nous avons récemment lancé une étude sur le poids économique du golf en France, l’impact du tourisme et la façon dont notre sport a résisté à la crise économique.

Quelles sont les pistes pour développer le golf dans notre pays ?

Jean-Lou Charon : Notre plan de développement de 100 petites structures golfiques (practices, pitch and putts, parcours compacts…) est un succès puisque nous en avons déjà crée 93 et que nous devrions atteindre notre objectif d’ici au début de l’année prochaine. Ces petits parcours permettent de réduire les coûts et le caractère chronophage de notre sport. En outre, les règles vont être simplifiées en janvier 2020 pour les amateurs du monde entier, ce qui pourrait donner un coup de fouet au nombre de pratiquants. Le but est de faciliter le jeu et de réduire le temps passé sur le parcours.

Concrètement, quels seront les changements dans les règles ?

Jean-Lou Charon : Il sera possible de laisser le drapeau sur le green au putting, histoire notamment de gagner du temps sur les longs putts. Le double touch involontaire ne sera plus sanctionné, comme au tennis. En cas de coup hors-limite, le drop se fera au niveau du point de sortie de la balle et il ne sera donc plus nécessaire de rejouer le coup initial, ce qui sera bien moins pénalisant pour la carte de score. Près de 90 % des piquets jaunes (obstacles frontaux) seront supprimés et remplacés par des piquets rouges (obstacles latéraux). Et ce sera désormais le golfeur prêt à jouer qui tapera la balle en premier et non pas celui qui est le plus éloigné du drapeau, hormis en match-play évidemment. Nous avons expérimenté cette mesure l’an dernier en compétition fédérale et cela faisait gagner 20 à 30 minutes de temps de jeu au final, ce qui n’est pas rien !

Par ailleurs, en partie amicale, les hommes et les femmes pourront choisir eux-même leur zone de départ. En fonction de son niveau de jeu, de sa puissance ou de la difficulté du trou, on pourra ainsi décider de partir des boules bleues ou rouges. Ce sera bien utile lors des deux premiers trous du golf national par exemple (rires). Cela m’arrive déjà de le faire d’ailleurs.

Vous jouez encore régulièrement au golf ?

Jean-Lou Charon : Surtout l’hiver paradoxalement, car j’ai davantage de temps de libre. Je suis membre du Golf Club de Lyon, mon lieu de résidence, mais je suis généralement au siège de la Fédération à Levallois, en semaine. Je joue parfois quelques 9 trous en soirée, à Saint-Cloud ou à Chantilly. J’apprécie beaucoup le golf du Médoc aussi.

Le reste de la saison, je tiens beaucoup à être présent sur les différentes épreuves en France. C’est important à mes yeux de pouvoir échanger sur le terrain. La Fédération est avant tout au service des clubs.

Quel est votre index ?

Jean-Lou Charon : 19,8. D’après mes calculs, je ne suis pas loin du top 100 000 français (rires) !

Propos recueillis par Franck Crudo

* Billy Casper en 1973 et 1975, Lee Trevino en 1977, Vijay Singh en 1991, Payne Stewart en 1992 et 1993, Nick Price en 1995, Colin Montgomerie en 1997, David Toms en 1999,  Sam Torrance en 2006, Padraig Harrington en 2007, Ernie Els en 2008.