A 32 ans, la kinésithérapeute de Châteauneuf-du-Pape, simple joueuse du Letas, a rejoint son rêve, samedi 2 juin à l’Évian Golf Club lors du Jabra Ladies Open. Victorieuse en playoff de l’Allemande Karolin Lampert, elle se qualifie pour l’Évian Championship et le British Open. Avec aussi un droit de jeu sur le LET jusqu’à fin 2019.

Par Nathalie Vion, envoyée spéciale à Évian

  • Astrid Vayson De Pradenne - © Tristan Jones

Le conte de fées pour une joueuse assez atypique

C’est un conte de fées qui se dessinait depuis un petit bout de temps. Car le profil atypique de la Française Astrid Vayson de Pradenne produisait régulièrement ses petits effets ces dernières années sur le circuit du Letas (la deuxième division féminine européenne). Kinésithérapeute de métier, venue au golf à l’âge de 15 ans mais scratch en deux années de pratique, la Vauclusienne décidait, en 2013, de tenter une vie de golfeuse pro en parallèle avec son métier médical. Rencontrant logiquement des hauts et des bas, jouant au golf entre ses missions itinérantes de « kiné », Astrid se signalait une première fois en 2016, avec une place de 2e à l’Open des Açores 2016. Ce qui l’amenait bonne 13e du ranking du Letas pour cette même saison 2016. Elle marquait à nouveau le circuit B européen en 2017, avec deux nouveaux podiums,sur le Letas :  3e du Ribeira Ladies Open, en Espagne, et 2e du Castellum Open, en Suède. Avant de s’illustrer avec panache en août 2017 lors du premier tour du Bossey Ladies Championship, qui était alors une toute nouvelle étape française du Letas. La Sudiste y alignait rien moins que cinq birdies d’affilée, et neuf birdies au total pour cette journée inaugurale du tournoi. Ce qui la propulsait co-leader à -6 avec la future vainqueure, l’Écossaise Jane Turner. « C’est mon record ! » exultait la grande Astrid, personnalité flamboyante, aussi expansive dans ses propos que déterminée dans son golf. Même si avec un troisième tour en 75, elle ne prenait finalement que la 14e place.

Qualifiée pour l’Évian Championship et le Ricoh British Open

S’il y a bien une joueuse qui pouvait tirer un parti maximum du Jabra Ladies Open 2018, c’était bien cette jeune femme de 32 ans au tempérament pugnace : Astrid Vayson de Pradenne. En cas de victoire dans le tournoi français, premier événement double badge LET/Letas dans l’histoire du cicuit féminin européen, le jackpot était considérable pour la future lauréate : un prize money honnête de 19 200 € mais surtout une double qualification pour l’ Évian Championship (13-16 septembre) et le Ricoh Women’s British Open (début août au Royal Lytham & St Annes) ! Plus un droit de jeu sur le LET jusqu’à fin 2019. Inespéré pour toutes les joueuses. Et en particulier pour celles cantonnées au Letas comme Astrid. À Bossey l’année dernière, la jeune femme avait profité de son exploit du premier tour – venant aussi après ses deux top 3 sur le Letas-, pour suggérer haut et fort qu’on l’invite au Lacoste Ladies Open de France, tournoi qui lui tient terriblement, désespérément, à coeur. Ce samedi 2 juin 2018 à Évian, alors qu’elle était quasiment sur le tee du 1 pour partir dans son dernier tour, l’inclassable Vayson de Pradenne suivait toujours son idée : « Ben non, ils ne m’ont pas invitée l’année dernière à l’Open de France ! » De quoi comprendre pourquoi, cinq heures plus tard, à l’issue de son playoff victorieux face à l’Allemande Karolin Lampert, la Française tomba à genoux sur le green du 18, en pleurs et la tête cachée dans ses mains… À elle le Lacoste Ladies Open de France, en 2018 et en 2019 ! Pas besoin d’invitation !

Quand Astrid « alpague » un caddie anglais au green du 15 !

Cinquième après deux tours dans ce Jabra Ladies Open, et seulement à trois coups de la Finlandaise Ursulla Wikström, Vayson de Pradenne croit en son étoile ce 2 juin à l’Évian Golf Resort. C’est avec une autorité remarquable qu’elle ira chercher la carte finale de 67 (-4) qui lui permet de partir en play-off avec l’Allemande Karolin Lampert (mêmes cartes de 70, 69 et 67 pour les deux joueuses, ex aequo à -7). Avec un moment doublement incroyable au green du 15, quand la kinésithérapeute de Châteauneuf-du-Pape interrompt sa routine alors qu’elle s’apprête à putter pour un birdie crucial, le temps de lancer à une photographe dont le déclencheur déchire le silence: « Hé, ça ne va pas du tout, j’entends le clic-clic de votre appareil, moi ! » Dix secondes plus tard, malgré ce qui aurait pu être un motif de déconcentration majeur, le putt délicat tombe bien pour birdie. Et là, prise d’une autre inspiration, Astrid aperçoit le caddie anglais Eric Black dans le public… Aussitôt, elle lui demande s’il serait ok pour finir le parcours avec elle et tirer le chariot de golf très standard, donc assez lourd, qu’elle traîne toute seule depuis trois jours et donc ses cinquante-et-un premiers trous ! Commentaire de la joueuse après-coup : « Sans un bon caddie comme lui pour les trois derniers trous, plus le trou de play off sur le 18, je n’aurais sans doute pas gagné. Cela a été ma chance qu’’Eric se trouve là et me dise oui. Surtout qu’il aurait déjà du être devant une bonne bière ! »

Inspirée par sa foi et par les belles rencontres du golf

Tout Astrid Vayson de Pradenne est là. Dans une attitude spontanée jusqu’à l’excès, mais très inspirée par le moment et par les gens. Dans tous les cas un façon d’être et de faire « atypique », selon l’adjectif qu’elle utilise elle-même pour définir sa personnalité et sa trajectoire de golfeuse pro bien en dehors des fairways trop rectilignes. «Je suis chrétienne, croyante, et j’ai énormément prié durant mes quinze premiers trous. C’était comme un mantra, pour garder mon esprit en paix. Quand j’ai vu Eric au 15, je me suis dit que les choses devaient sans doute se connecter comme cela… » Une analyse sur son ressenti personnel qui n’est pas sans rappeler ce que la joueuse du Vaucluse nous avait expliqué en 2017, pour expliquer sa place de 2e au Castellum Open, étape scandinave du Letas : «La famille suédoise qui avait accepté de m’héberger pour le tournoi m’a communiqué tellement d’amour… Cela ne pouvait que marcher. On pleurait même en se quittant à la fin du tournoi… » Des pleurs, de joie et de gratitude, il y en a eu à nouveau à Évian quand la Française, lors du premier trou de playoff du Jabra Ladies Open, a rentré son putt de 3 mètres pour birdie… Juste après que Karolin Lampert vienne de réaliser un simple par… Le jackpot. Le Graal. La récompense pour une joueuse attachante qui se demandait si, à bientôt 33 ans, il ne fallait pas arrêter les frais à la fin de cette saison 2018 sur le Letas. C’est en tout cas ce que pas mal de ses proches lui suggéraient…

Un scénario idéal pour la société Jabra, à l’origine du tournoi

« C’est fou, disait Astrid au micro de Golf + tenu par une Sophie Giquel-Bettan passée pour l’occasion de joueuse du tournoi à intervieweuse de sa « collègue »  Il y a quinze jours, je rate la qualification pour l’US Open pour un seul petit coup… Je me dis aujourd’hui que la raison derrière tout cela vient du fait que c’est plutôt ce moment-là, cette victoire au Jabra Ladies Open, qui m’attendait ! Avec tout ce qu’elle représente d’incroyable pour moi. » Et la jeune femme d’expliquer le choix de son polo Lacoste bleu-blanc-rouge, sorte de drapeau tricolore à l’oblique : « Quand j’ai vu les athlètes français le porter aux derniers Jeux d’hiver à PyeongChang, j’ai voulu le même ! » Un vrai conte de fées, donc… Complété par deux autres Françaises 10emes ex aequo à -1. D’une part la jeune Agathe Laisné, meilleure amateur sur un parcours qu’elle connaît bien pour avoir déjà eu le privilège de jouer l’Évian Championship deux fois (wild card décidée par Franck Riboud en 2016 et titre de Championne d’Europe en 2017). D’autre part Isabelle Boineau, la vainqueure du Jabra Ladies Open 2017 et qui reprend des couleurs avec cette bonne performance à Évian. Un scénario idéal aussi pour la société Jabra, filiale du groupe danois GN (solutions audio innovantes, dont des casques mains libres « Elite Sport » offerts au 132 joueuses du champ) qui a réussi, en étroite synergie avec Franck Riboud et les extraordinaires équipes de l’Évian Championship (Yannick Le Hec, Steve Brangeon, Jacques Bungert) à faire d’un simple tournoi français en 2016, d’abord une épreuve du Letas en 2017, puis une épreuve double badge LET/Letas qualificatif pour l’Évian Championship et le British Open en 2018 !

Franck Riboud, Joël Hamon et Jean-Baptiste Pain ambitieux pour la suite

Pour Franck Riboud, président de l’Évian Championship, comme pour Jean-Baptiste Pain et Joël Hamon (respectivement directeur et président de Jabra pour une grande zone « Europe du Sud, Afrique, Turquie, Middle East »), la réussite est totale. Une récompense pour ce trio qui déploie la même volonté à booster le golf féminin. Offrir aux joueuses européennes des tournois leur permettant de vivre de leur sport dans des conditions dignes de leur implication et de leur talent, c’est l’objectif commun. Et ce n’est pas fini. Car durant ce Jabra Ladies Open 2018, Franck Riboud et Joël Hamon ont reconduit le partenariat « Jabra/Évian » pour une période de quatre ans. Les discussions avec les institutions du golf féminin européen, représentés sur place par Mark Lichtenhein, le patron du LET, et Di Barnard, la responsable du circuit Letas, se feront certainement au fil du temps… Ceci afin de définir année par année le statut du Jabra Ladies Open (si le double badge est maintenu, par exemple). Mais une chose est sûre pour les trois hommes qui veillent avec passion aux destinées de cet événement qu’on peut dire « né sous l’aile de l’Évian Championship » : la dotation de 120 000 €, à mi-chemin de ce qui se fait sur le LET et le Letas, est appelée à progresser dans de belles proportions ces prochaines années. Bonne nouvelle pour les joueuses. Bonne nouvelle pour l’influence de la France en matière de promotion du golf féminin.

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