A quelques semaines de la reprise du circuit LPGA, Swing Féminin a joint la n°1 française Céline Boutier chez elle, au Texas. Au menu de l’interview : son retour victorieux après la crise sanitaire, la Solheim Cup et l’US Open 2019, ses points forts et ses faiblesses, l’aspect mental du golf et bien d’autres choses encore…

Céline Boutier au Women's Australian Open, à Adélaïde.

@Mark Brake

Bonjour Céline, comment s’est passé le confinement chez vous, à Dallas au Texas ?

Ce n’était pas trop dur car mon golf, le Trinity Forest, est resté ouvert. On pouvait aller sur le parcours en respectant les distanciations sociales et sans toucher le drapeau. J’ai cessé de jouer pendant deux-trois semaines seulement, cela m’a permis de faire une petite coupure.

Quand on arrête de jouer pendant un certain temps, y a-t-il un secteur de jeu en particulier où les sensations sont plus difficiles à retrouver ?

C’est sûr qu’on n’a plus du tout les mêmes sensations quand on reprend et cela concerne tous les compartiments du jeu. Mais le plus difficile, c’est sans doute pour le petit jeu et le putting, notamment au niveau du dosage.

A quelques semaines de la reprise du circuit américain, fin juillet dans l’Ohio, vous venez d’enchaîner deux victoires sur le Women’s All Pro Tour, un circuit local. Vous avez même gagné à Paris… mais au Texas, un joli clin d’œil alors que votre père enseigne au Paris Country Club et que vous êtes née en région parisienne. C’est une bonne surprise pour vous d’avoir retrouvé aussi vite la forme ?

C’est vrai que c’était cool de pouvoir regagner tout de suite. Mais je m’attendais quand même à performer. C’était important pour moi de me mesurer à d’autres joueuses, dont certaines du circuit LPGA, histoire de savoir où j’en étais et de voir que je n’ai pas trop perdu mon niveau de jeu.

Vous avez connu une progression linéaire : n°1 mondiale amateur en 2014, le British Ladies amateur en 2015, deux victoires sur le LET en 2017 et 2018, une victoire sur le LPGA en 2019 puis le succès avec l’équipe européenne de Solheim Cup à Gleneagles… Quel est le meilleur souvenir de votre carrière jusqu’à présent ?

La Solheim Cup sans hésiter ! Les victoires par équipe, y compris celles que j’ai vécues à l’université, sont les plus belles sur le plan émotionnel.

Lors de la Solheim Cup 2019 en plus, vous ramenez 4 points sur 4 à l’équipe ! 

C’était quand même ma première sélection en Solheim Cup, donc je ne savais pas trop à quoi m’attendre. C’était une super expérience, jouer en équipe me permet de sortir le meilleur de moi-même. Mais je n’ai pas gagné ces 4 points toute seule non plus, je les ai gagnés avec Georgia (Hall).

Lors de cette fameuse saison 2019, vous terminez également 5e de l’US Open et 6e du British Open. Avec le recul, qu’est ce qui domine : la fierté d’avoir brillé dans les Majeurs ou la déception d’être passée tout près de l’exploit, notamment à l’US Open (Céline est coleader au départ le dimanche et deuxième à un coup en quittant le green du 17 avant de terminer par un double bogey) ?

Pour être honnête, un peu des deux. Mon historique en Majeur n’était pas terrible jusqu’alors, j’avais raté quasiment tous les cuts. Les Majeurs, c’est toujours difficile à gérer sur le plan émotionnel, il y a beaucoup de pression, les parcours ne donnent pas le droit à l’erreur. Ces deux tops 10, c’était quand même un bilan super positif et une nette progression par rapport à ce que j’avais réussi dans ces tournois auparavant.

Quel est le pire souvenir de votre carrière pour l’instant ?

(Elle réfléchit) C’est l’US Open 2019 quand même. Je ne sais pas trop comment l’expliquer. (Elle réfléchit) L’ascenseur émotionnel que j’ai vécu…

Quel est votre rêve ultime de golfeuse ?

Gagner à Evian. C’est un Majeur qui a lieu en France. J’ai grandi en regardant le tournoi à la télé.

Vous confiiez il y a quelques mois, sur le site de la Fédération, que vous êtes désormais plus à l’aise sur le plan mental et que vous connaissez mieux vos forces et vos faiblesses…

Oui, c’est un processus. Je commence à prendre conscience de la manière dont je pense. J’ai toujours eu tendance à être dure avec moi-même, à retenir le côté négatif des choses, à voir ce que j’aurais dû faire ou ne pas faire… C’est aussi très important de voir le bon côté des choses, cela me permet d’avoir une vision plus juste de mon jeu. C’est un travail sur moi-même que je fais depuis l’an dernier.

Comment une golfeuse de haut niveau gère-t-elle le stress dans les moments importants ? Lorsque vous avez un putt sur le 18 qui peut vous faire gagner ou perdre beaucoup d’argent, voire un tournoi, vous réussissez à faire abstraction de l’enjeu ?

Ce n’est pas possible de faire complètement abstraction dans ces cas-là. Cela ne sert çà rien, ce n’est pas le but de faire semblant et de se dire qu’on est comme sur le putting green. L’objectif, c’est de savoir gérer ses émotions, de rester dans le présent… L’expérience de ces situations sous pression est très importante, on apprend sur soi au fil des tournois.

Sur le plan golfique, quel est votre point fort et votre point faible selon vous ?

Mon point fort, ce sont mes attaques de green. Quand à ma faiblesse, je dirais mon irrégularité au putting, notamment en dessous de 4 mètres.

Vous avez déjà fait un trou en un Céline ?

Oui, deux fois. La première, j’avais 15 ans et c’était lors d’un tournoi amateur au Doral, à Miami. J’avais rentré un fer 4 sur l’un des trous du retour… je ne me souviens plus lequel, peut-être le 12. La seconde, c’est en début d’année au Diamond Tournament of Champions, en Floride. Un fer 4 sur le 5…

Qu’est ce qu’on ressent dans ces moments-là ?

C’est super satisfaisant, surtout quand on a la chance de le réussir après avoir tapé un bon coup, ce qui était le cas à chaque fois. Parce que pour faire un trou en un, il faut aussi beaucoup de chance, la probabilité est tellement basse. Je ne vois pas très bien de loin mais là, voir la balle disparaître dans le trou, c’est un sentiment unique, on est presque euphorique. Cela fait bizarre en plus de devoir enchaîner avec le trou suivant sans avoir sorti son putter (rires).

Plus jeune, y a-t-il une joueuse ou un joueur que vous admiriez ?

Michelle Wie. A 16 ans, elle a presque gagné à Evian. Elle avait une précocité incroyable au plus haut niveau. Sa puissance, son swing… c’était un phénomène. Et puis Tiger Woods bien sûr, il était fascinant. Je le voyais gagner souvent à la télé…

Vous jouez régulièrement des Pro-Am avant un tournoi, quel est le défaut que vous constatez le plus souvent chez les amateurs ?

D’une manière générale, c’est au niveau du putting. Les amateurs passent beaucoup plus de temps au practice qu’au putting green. Disons que le dosage ce n’est pas toujours ça, quant à la lecture des greens, cela va rarement au-delà du bord droit ou du bord gauche, même s’il y a un gros break (rires).

Vous êtes habillée en Lacoste, qu’est-ce qui vous plaît dans cette marque ?

J’ai grandi avec Lacoste, qui est le sponsor de l’équipe de France. Lacoste, c’est d’abord une histoire dans le golf et dans le sport en général, j’aime ce que représente cette marque. Sur le plan textile, c’est classique et moderne en même temps, je trouve que ça me correspond bien.

Outre vos études universitaires en Caroline du Nord, vous jouez aux Etats-Unis depuis plusieurs années maintenant. La France vous manque-t-elle parfois ?

Oui. La France, ma famille, la façon de vivre… tout cela me manque. Le simple fait de marcher dans la rue pour aller au resto ou faire les boutiques… La vie américaine n’a pas que des défauts, mais tout ça me manque. Ici, on fait tout en voiture avec l’air climatisé. Au début, c’était dur pour moi de m’acclimater, même si maintenant, je suis plus habituée.

En dehors du golf, quels sont vos loisirs ou centres d’intérêt ?

Récemment je me suis mise au tir, cela m’a bien plu. J’aime bien pratiquer d’autres sports : du tennis, du hockey sur gazon, du fitness et même du basket, mais là, je suis vraiment nulle (rires) !

Propos recueillis par Franck Crudo

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