Les 22 et 23 janvier 2022, la Ville de Valence organisait la 4e édition de Truffe, une planète à savourer. Marraine de l’évènement, la cheffe trois étoiles Anne-Sophie Pic a été intronisée dans la confrérie de la truffe.

Anne-Sophie Pic, nouvelle ambassadrice de la truffe noire

©David Raynal

Annulée l’an dernier pour cause de Covid-19, la ville de Valence dans la Drôme a renoué les 22 et 23 janvier avec sa Fête de la truffe. Pour l’occasion, elle a demandé à la cheffe valentinoise trois étoiles, Anne-Sophie Pic, d’être la marraine d’exception de cet événement qui rassemble tous les acteurs de la filière. Pour l’occasion, l’enfant du pays dont le premier restaurant familial, l’Auberge du Pin, fut fondée en 1889 sur les collines de Saint-Péray en Ardèche, a été intronisée membre de la Confrérie de la Truffe Noire de la Drôme des Collines. Car la truffe est l’objet de toutes les convoitises. Elle est le diamant brut de la Drôme, terre d’origine de 80% de la production française. Que ce soit sous le chapiteau, dans les travées du marché des produits du terroir ou sous les tentes des trufficulteurs, la magie autour du ce joyau noir de la Drôme a une nouvelle fois opéré attirant des milliers de visiteurs. « Oh ! Truffe, Tuber melanosporum, je rends hommage à tes vertus. Je m’engage à te servir en tout temps, en tous lieux par mes paroles, mes écrits et mes actes ». C’est en ces termes qu’Anne-Sophie Pic a prêté serment et allégeance le 22 janvier dernier à la confrérie du diamant noir et de la gastronomie. « Comme vous le savez tous, je suis très fière d’être Drômoise. Je pense que nous devons vraiment promouvoir la truffe de la Drôme. A cet égard, je suis très admirative du travail que font les trufficulteurs pour maintenir la production, puisqu’il y avait une chute et que cela redémarre. C’est aussi un ingrédient qui doit être démocratisé, même si bien sûr cela reste un produit noble. Il faut l’utiliser avec parcimonie mais il faut aussi le découvrir. C’est ce que j’essaye de faire au quotidien dans tous mes restaurants » a souligné à l’issue de sa prestation de serment Anne-Sophie Pic devant le public réunit à Valence.

Truffe noire

©Eric Caillet

Un peu d’histoire

Présente sans doute dès la préhistoire, la truffe est l’un des plus anciens aliments. La truffe était d’ailleurs très appréciée durant l’antiquité. Egyptiens, Grecs et Romains louaient son arôme et lui prêtaient parfois des vertus aphrodisiaques, voire médicinales. Au Moyen-Age l’usage de la truffe semble s’être perdu et elle disparait des recettes culinaires. Elle véhicule alors une image diabolique et en manger signifie alors braver Dieu ! Elle était aussi dénigrée à cause de sa couleur foncée et de son mode de prolifération souterrain. La présence des « ronds de sorciers » ou brûlés autour des arbres aggrave cette mauvaise réputation. A partir du 16e siècle, la truffe revient peu à peu sur les tables et Louis XIV lui redonne définitivement ses lettres de noblesse. Au milieu du 19e siècle la prolifération du phylloxéra dans les vignes pousse les agriculteurs à se diversifier. C’est ainsi qu’en 1880 la récolte française connait son apogée avec 1320 tonnes ! Aujourd’hui, la quasi-totalité  de la production des truffes noires est réalisée dans trois pays : l’Espagne (100 tonnes), la France (50 tonnes) et l’Italie (20 tonnes). Historiquement implantée en Europe, la truffe noire a traversé les océans pour se développer sur d’autres continents. Ainsi, aux Etats-Unis depuis les années 80, il existe quelques truffières notamment en Californie et en Caroline du Nord. En revanche en Australie et au Chili, les plantations sont plus structurées et présentent un meilleur rendement. Sur le continent asiatique, la Chine n’est pas en reste et produit une espèce de truffe qui lui est propre : la truffe chinoise. Au début de sa commercialisation en France, elle a d’ailleurs souvent été vendue comme truffe noire de manière illégale.

Anne-Sophie Pic, nouvelle ambassadrice de la truffe noire

©Charlotte Terrier

Longue lignée de cuisiniers

Née à Valence en 1969, Anne-Sophie Pic est issue d’une longue lignée de cuisiniers, puisque son grand-père André Pic et son père Jacques Pic sont des multi-étoilés du guide Michelin. Mais la première Pic cuisinière est Sophie Pic, son arrière-grand-mère, qui ouvre le restaurant L’Auberge du Pin sur la route de Saint-Péray dès 1889 avant de se déplacer en 1934 dans l’actuelle Maison Pic à Valence. Pourtant, la jeune femme ne s’imaginait pas devenir cuisinière. Ce n’est qu’à la mort de son père qu’elle décide de succéder à son frère en 1998 à la tête de l’affaire familiale, alors dans une mauvaise passe. Après des heures passées derrière les fourneaux pour trouver son identité culinaire, elle obtient en 2007 la consécration de la profession qui la nomme « chef de l’année ».  Mariée depuis 1993 à David Sinapian qu’elle a connu sur les bancs de leur école de commerce, ils entreprennent de créer ensemble Pic Group, faisant bientôt passer l’entreprise familiale au statut de groupe international. En 2008, la création de son école de cuisine « Scook » à Valence marque en quelque sorte la première pierre de l’édifice. L’aventure continue avec l’ouverture du restaurant Anne-Sophie Pic au Beau-Rivage Palace à Lausanne en 2009 (deux étoiles au Michelin), puis de l’Épicerie Fine à Valence en 2010 et enfin du restaurant La Dame de Pic à Paris (étoilé Michelin en 2013). Le développement se poursuit avec les ouvertures du Daily Pic, le fast good à la française d’Anne-Sophie Pic à Valence en 2014 et du restaurant André en 2016.

Galets de truffe au foie gras

Galets de truffe au foie gras – ©Anne-Sophie Pic

Anne-Sophie Pic, la truffe en héritage

L’année suivante voit l’ouverture du deuxième restaurant La Dame de Pic à Londres (deux étoiles au Michelin) puis à Singapour en 2019 dans l’historique hôtel Raffles. Le lancement de sa quatrième Dame de Pic au sein du Four Season Hôtel Megève, annoncé en décembre 2020, est finalement reporté au 11 juin 2021. « Cette année nous faisons des travaux à la Maison Pic afin de commencer à proposer notre bar à cocktails, le bar Rose, en avril et en extérieur. Pour ce faire, nous avons travaillé avec un mixologue, Mike, qui est italo-arménien. Avec les personnes qui sont en sommellerie nous réfléchissons aussi beaucoup sur les accords sans alcool, ce n’est pas contre l’alcool, mais cela nous permet de proposer de nouvelles propositions » explique-t-elle.

Burger à la truffe

Toujours en quête d’idées nouvelles, le contexte de la pandémie de Covid-19 l’amène à innover. C’est ainsi quelle lance l’offre de restauration à emporter Pic & GO, qui propose des menus livrés dans toute la France et le lancement d’un food truck à Valence en réaménageant une ancienne camionnette Citroën type H. Au menu, le fameux burger à la truffe du PicUp Truck qui donne subitement envie de renouer avec les grands standards de la cuisine de l’oncle Sam.

Burger à la truffe

©David Raynal

« Depuis quatre générations, ma famille cuisine la truffe. Mon grand-père a créé dans les années 30 le chausson aux truffes qu’il appelait alors le chausson aux perles de Grignan, comme on nommait alors les truffes dans la région. La truffe reste encore aujourd’hui un produit d’exception. Et dans le chausson de mon père, il y en avait une entière. Elle parfumait la pâte feuilletée en cuisant. C’est un plat qui a d’ailleurs été ensuite repris dans la gastronomie française par beaucoup d’autres chefs. C’est peut-être une coïncidence avec mon intronisation dans la confrérie de la truffe, mais j’ai  justement voulu cette année retravailler ce plat » explique Anne-Sophie Pic.

Menu 100 % truffes

Dernièrement la cheffe a également concocté un menu 100% truffes, livré par le service de La Poste Chronofresh dans toute la France, via son offre de vente à emporter Pic & Go. Une prouesse et un régal composé en 4 temps. En entrée Galets foie gras, laqués à la reine des prés chocolat blanc, cœur fondant à la truffe noire melanosporum. En plat, le chou farci moderne, Saint-Jacques et truffe noire melanosporum, sauce camomille, noix et vin de Jerez. En dessert, la tartelette chocolat, ganache fondante et caramel salé à la truffe melanosporum, pointe de cazette. Le tout pour 85 € par personne. « La truffe est vraiment un produit pluriel qui va avec beaucoup d’ingrédients si tenté que l’on soit dans la recherche de l’équilibre. Elle se marie très bien avec les épices, avec des légumes racines, l’ail noir de la Drôme, des fruits comme le pruneau, les poissons ou encore la viande » rappelle enfin la cuisinière virtuose. Propriétaire du restaurant gastronomique la Maison Pic à Valence, Anne-Sophie Pic est actuellement la seule française à détenir trois étoiles au Guide Michelin depuis 2007. Aujourd’hui elle totalise, pour ses restaurants, 8 étoiles Michelin, ce qui en fait la femme cheffe la plus étoilée au monde.

David RAYNAL