Posté le 21 septembre 2022 dans Arts & culture.
Cocorico lève-toi Chantecler ou Le Bestiaire Magnifique
La Toile de Pandore –Cie, propose jusqu’au 30 octobre au théâtre Galabru dans le 18e arrondissement de Paris, Cocorico lève-toi Chantecler, une comédie et un spectacle musical tout public, librement adapté de l’œuvre d’Edmond Rostand.
Imaginez un monde sans Soleil… Où fatigué, il serait resté couché. Plongeant, à jamais, la lumière dans un sommeil éternel. Que se passerait-il ? Sous le joug effroyable de « La Grande Nuit », les animaux se rappellent que dans le monde d’avant, seul un coq au chant clair et puissant, animait le Soleil. La légende le prénomme Chantecler. Oui mais voilà, Chantecler a le cœur brisé et la voix en miette. Tout ça à cause d’Aztuc le Grand-Duc et des adorateurs de la grande nuit qui ont fomenté un complot, pour déchoir le coq à la voix céleste. Depuis, Chantecler a disparu et le Soleil ne se lève plus. Nelly, la souris qui n’a jamais connu la lumière, décide de partir à sa recherche. Parviendra-t-elle à le retrouver ? Chantecler fera-t-il lever le Soleil ? » Librement inspiré de l’œuvre d’Edmond Rostand, Cocorico lève-toi Chantecler est un spectacle musical, intelligent, rafraichissant et plein d’humour, qui s’adresse à tous les publics de 5 à 105 ans, comme le dit sa magnifique affiche aux couleurs chatoyantes, réalisée et illustrée par le brillant @pierredraws. A l’origine, le Chantecler épique et grandiose de Rostand comptait un nombre considérable d’acteurs, plus de 70 personnages, 195 costumes qui avait demandé à l’auteur de Cyrano de Bergerac, plus de 35 000 heures de travail…
Passion d’un coq
Dès le départ, le pari de la Toile de Pandore n’était pas de faire une stricte adaptation de la pièce, mais plutôt une écriture originale qui s’appuie sur la légende de Chantecler. Une allégorie moderne qui reprend l’idée que grâce à l’amour et à la passion d’un coq pour son métier, le soleil, astre indomptable, accepte tous les jours de se lever. « Le Chantecler de Rostand, conçu comme un « poème dialogué » est très peu joué en raison de ses nombreux personnages, sa durée et ses alexandrins imagés. Le passage à la réécriture nous a permis de préserver l’esprit poétique et virtuose que nous offre le Chantecler d’Edmond Rostand, tout en l’actualisant à travers un langage moderne, une histoire inédite et des personnages attachants. Au-delà du simple conte qui fait appel à l’imaginaire de l’enfance et du merveilleux, nous voulions que cette pièce interroge autant qu’elle divertisse. Même si les personnages se présentent aux spectateurs sous l’apparence d’animaux, l’enjeu était de proposer une pièce accessible, qui plaise autant aux enfants qu’aux adultes » souligne Juliette Raynal qui interprète notamment une magistrale Jeanne la faisane et qui a écrit l’adaptation et mis en scène le spectacle avec le talentueux et sémillant Rémi Custey.
Musiques et chansons originales
La jeune troupe a donc fait le choix d’une partition à trois comédiens qui jouent tour à tour plusieurs personnages et en font exister plus d’une dizaine, grâce à l’utilisation de masques et d’ombres chinoises. La projection vidéo et la voix off, permettent l’immédiate adhésion à l’histoire, installent les personnages et les situations. L’intrigue n’est ainsi jamais « prise de crête ». Elle se veut légère et ludique, mais le spectre de l’oppression, du totalitarisme rampant, des violences faites aux femmes et de l’urgence climatique avec la disparition du soleil et l’arrivée des ténèbres, sont autant de thèmes abordés dans ce conte qui se veut toutefois bon enfant. L’autre défi, musical celui-ci, était de composer des musiques et chansons originales, entrainantes et collectives, qui puissent à la fois plaire aux adultes comme aux enfants, tout en faisant avancer l’histoire. « Nous avons fait le choix d’un théâtre musical et participatif où chaque personnage chante et fait les chœurs, clin d’œil au texte original et versifié du Chantecler d’Edmond Rostand » explique Rémi Custey, metteur en scène et compositeur de l’ensemble des chansons et musiques du spectacle. L’action se déroulant dans une ferme, il y a des emprunts à la musique country, mais aussi des envolées en forme de clin d’œil au gospel et au blues américain. Pour les musiques d’accompagnement, qui ne sont pas chantées, le compositeur a composé des thèmes inspirés de l’univers des anciens Disney auquel l’affiche aussi se réfère, La Belle au bois dormant, mais aussi les grands compositeurs classiques, notamment Stravinski avec son Oiseau de feu. Et que dire de cette petite référence charmante et incongrue à la rock star galloise Bonnie Tyler sur la mélodie, rendue douce, de Holding Out for a Hero, lorsque le coq déchu, titillé par la petite souris Miss Nelly, fourbit sa rancune et sa peine.
Distribution à géométrie variable
Dans cette pièce de 70 minutes, la distribution est aussi virevoltante qu’à géométrie variable. Juliette Raynal, que l’on avait déjà remarquée dans la précédente pièce proposée par la Toile de Pandore, la Dernière nuit de Don Juan, toujours d’un certain Edmond Rostand, est aussi parfaite et racée en Jeanne la faisane, que sentencieuse et prophétique en Aristote le merle. Thomas Bousquet fait voler haut dans le ciel les sinistres dessins d’Aztuc la Grand-duc, mais il sait aussi être désopilant lorsqu’il joue Gigi, la plus vieille poule du poulailler qui tient sa gazette de coquette. Et puis il y a bien sûr le coq de ses dames, magistralement interprété par Baudoin Sama, chantant et coquelinant, tour à tour sûr de lui, bien à l’aise sur ses ergots, puis profondément attachant et émouvant en coq perdu et reclus dans sa grotte. Les trois comédiens, nous agrémentent d’un merveilleux numéro d’acteurs, lorsqu’ils endossent à la perfection les mimiques de ce bestiaire magnifique. Le coq coquerique à bec déployé, la faisane s’ébrouent avec une élégance consommée dans un défilé de haute culture, la poule cancane et jase comme le merle, avant de caqueter en rythme du croupion.
Animaux de la création
Côté costumes, Claire Malbos propose toute la palette chamarrée des animaux de la création : un coq flamboyant, puis déplumé à la crête pendante, un Aztuc dans toute sa noirceur de Grand-Duc, un Patou en chien britannique au pelage épais et humide, fidèle sujet de sa majesté du poulailler, une Jeanne en belle faisane dorée, casquée, à la silhouette fuselée, ou encore une Nelly la souris, en petit rongeur borné et déterminé. Les décors imaginés et créés par Pierre Custey sont encore plein de trouvailles et collent parfaitement à l’atmosphère onirique de la pièce. Chantecler sauvera-t-il Jeanne la faisane des serres maléfiques d’Aztuc ? Retrouvera-t-il sa place de roi des gallinacés dans sa basse-cour adorée ? Au final tout est bien qui finit bien et en chanson au royaume des animaux de la ferme, puisque l’amour triomphe finalement de la tyrannie. Cocorico lève-toi Chantecler, un spectacle aussi drôle qu’émouvant, emmené par une troupe enthousiasmante et sympathique, qui saura attendrir votre cœur d’enfant, mais aussi de parents ou de grands-parents…
Morvan Yann
Informations pratiques
Tous les samedis 24 septembre 2022 au 29 octobre 17h00
Les dimanches 23 et 30 octobre 2022 14h00
Le mercredi 26 octobre 14h00
Théâtre Montmartre-Galabru : https://theatregalabru.com/cocorico-leve-toi-chantecler
Billetreduc : https://www.billetreduc.com/300795/evt.htm
Théâtre Montmartre Galabru
- 4 rue de l’Armée d’Orient – 75018 Paris
- Face au 53 rue Lepic
Métro
- M° Blanche (ligne 2) ou Abbesses (ligne 12)
- À pied 8 min (600 m)
Arrêt de bus
Tourlaque (ligne 40) ou Damrémont – Caulaincourt (ligne 80)
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