Le nouveau président de la fédération française, Pascal Grizot, évoque pour Swing Féminin l’impact de la crise sanitaire, la prochaine National Golf Week ou encore ses ambitions pour l’avenir. Interview.

Pascal Grizot

@ffgolf

Avec d’autres fédérations sportives, vous venez d’envoyer un courrier au président de la République et au Premier ministre pour souligner que la pratique du sport et des activités en plein air constituent une solution et non pas un problème en cette période de crise sanitaire. Vous êtes inquiet pour la pratique du golf en France ces prochaines semaines ?

Forcément, vu l’évolution de la maladie et les derniers chiffres qui ne sont pas bons. Lors du deuxième confinement, nous avions déjà été très actifs et écrit au pouvoir exécutif pour rouvrir les parcours et montrer que la pratique du golf présentait très peu de risque. D’ailleurs, lorsque le Premier ministre a desserré l’étau il y a quelques semaines, il a même dit publiquement que l’on pourrait de nouveau jouer au golf. Dans l’histoire, je crois que c’est la première fois qu’un Premier ministre parle de golf ! Après, il ne suffit pas d’envoyer un courrier au président de la République pour régler les problèmes car le président, il en reçoit beaucoup des lettres et il a autre chose à faire. Nous sommes en contact étroit avec les conseillers sportifs à l’Élysée ou à Matignon et nous avons même désormais le soutien du CNOSF (Comité national olympique et sportif français) et de son président Denis Masseglia, ce qui est un atout de poids.

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur le nombre de licenciés ?

Nous terminons l’année avec une baisse de seulement 3,5 % du nombre de licenciés. Ce n’est jamais bien de perdre des joueurs mais on est le sport qui s’en sort le mieux. Certaines fédérations ont perdu plus de 40 % de leurs licenciés, notamment les sports collectifs ou de combat. Les clubs et les licenciés ont salué le travail de la fédération française de golf, qui a été très réactive dès le premier confinement. Nous avons tout fait pour garder le lien avec les golfeurs, notamment en publiant des vidéos ou des conseils sur notre site avec Patrice Amadieu (head coach de l’Académie ffgolf), Jean-Luc Cayla (directeur de la performance) ou encore nos préparateurs physiques.

Et l’impact au niveau des clubs et des structures golfiques ?

C’est très variable. Les clubs associatifs sont peu touchés car la cotisation était déjà payée en début d’année dernière, avant le premier confinement, et ils doivent faire face à moins de dépense grâce au chômage partiel. C’est évidemment plus compliqué pour les clubs commerciaux, qui comptent sur les abonnements ou les green fees. Lors des déconfinements, les joueurs se rendent massivement sur les parcours, mais cela ne compense pas toutes les pertes financières.

Vous avez été élu président de la fédération en décembre dernier. Quelles sont vos priorités durant votre mandature ?

J’ai trois priorités. Faire émerger un champion au plus haut niveau, c’est quelque chose qui me tient à cœur et qui est notre objectif depuis des années. Je vais m’en occuper directement, ce qui est rare pour un président. Après, ce n’est pas forcément parce que l’on possède un grand champion que cela attire systématiquement de nouveaux joueurs, on a le contre-exemple de l’Espagne et de l’Irlande qui perdent des licenciés malgré Jon Rahm, Sergio Garcia ou Rory McIlroy. Mais c’est important car cela démontre que notre politique de soutien au haut niveau est bonne. Autre priorité, le développement de la pratique golfique chez les plus jeunes, avec Gilles Paris (vice-président en charge du développement). Nos jeunes, ce sont toujours des investissements sur le long terme. Et puis il y a la transition écologique avec la vice-présidente, Sylvianne Villaudière. Le golf a un lien étroit et une véritable responsabilité vis-à-vis de la nature. Il y a vingt ans déjà, grâce à Jérôme Paris, nous avions déjà mis en place des mesures pour préserver la biodiversité et recycler l’eau tout en réduisant son utilisation. Nous nous sommes également engagés à diminuer l’utilisation des produits phytosanitaires, un pays comme la Belgique les a déjà interdits.

La National Golf Week* aura lieu du 1er au 3 avril prochain au Golf National. Comment est née l’idée de cette grande fête du golf ?

On s’est aperçu pendant les deux confinements que lorsque le monde du golf parle d’une seule voix, cela donne de bons résultats, contrairement à d’autres sports qui sont plus divisés ou en ordres dispersés, avec les clubs, le monde amateur, les professionnels ou la fédération qui parlent chacun de leur côté. Après, nous ne partons pas de rien car nous avons déjà eu le salon du golf à la porte de Versailles ou le Mondial du golf, chapeauté par Charles-Henri Bachelier. Antoine Robin est venu me voir car il voulait organiser un grand tournoi au Golf National avec nos meilleurs joueurs, la semaine précédent le Masters, qui est un peu creuse dans le calendrier. Comme il est associé avec Charles-Henri Bachelier, je lui ai proposé de créer un grand événement qui accueillerait le Mondial du Golf, les Trophées du Golf sur Canal+ et différentes compétitions pour les amateurs et nos meilleurs joueurs. Et parmi nos exposants, je peux confirmer que toutes les marques seront présentes, sans exception !

Pardonnez-moi cette question de « vieux con » amoureux de la langue française, mais pourquoi nommer cet événement en anglais ?

(Rires) « National », c’est par rapport au parcours où se tient l’événement. « Golf » c’est un mot international et « Week », on trouvait que ça sonnait mieux. Mais il y a une autre raison : on a l’ambition à terme d’en faire un événement de référence en Europe, toute proportion gardée un peu comme le PGA Show aux Etats-Unis.

La part des golfeuses en France est de 29 %, contre 71 % chez les hommes ? Est-il possible d’amener davantage de femmes à la pratique du golf selon vous et si oui, comment ?

La plus faible proportion de femmes au golf n’est pas une problématique liée à la France. Les chiffres sont à peu près les mêmes dans le monde entier. La société évolue, il y a plus d’égalité dans les ménages aujourd’hui, je ne vois pas pourquoi les femmes ne pourraient pas consacrer plus de temps au golf. Il y a évidemment des exceptions, mais les femmes ont tendance à être moins intéressées par la compétition et davantage par une pratique loisirs comme par exemple les scrambles. Les femmes jouent plus facilement à quatre, c’est plus convivial, on est en équipe, il y a moins de pression quand on joue sa balle…

Aujourd’hui, il n’y a qu’une Française dans le Top 100 mondial (Céline Boutier, 57e) et une seule autre dans le Top 300 (Perrine Delacour, 103e). Comment faire pour avoir davantage de joueuses françaises au plus haut niveau ?

Il y a beaucoup de Coréennes au plus haut niveau chez les femmes, mais cela n’explique pas tout. J’ai toujours pensé que pour avoir un maximum de nos joueuses parmi les 100 meilleures du monde, il en faut plus dans le top 100 amateur. Et avec Pauline Roussin-Bouchard qui était n°1 il y a un an, mais aussi Lucie Malchirand ou Agathe Laisné, on a un gros potentiel.

Dans le golf féminin, nous avons la chance d’organiser un tournoi majeur à Evian. Chez les hommes en revanche, hormis la parenthèse enchantée de la Ryder Cup 2018, le golf est le seul sport majeur en France à ne pas accueillir régulièrement les meilleurs joueurs du monde. Au tennis, nous avons Roland-Garros et même Bercy, au football on a Neymar et Mbappé, en cyclisme le Tour de France… Peut-on espérer organiser un jour un grand tournoi qui nous permette de voir régulièrement sur notre sol tous les meilleurs golfeurs de la planète ?

Je l’espère. Je travaille aujourd’hui sur un projet de World Championship, un format qui accueille les 60 meilleurs joueurs du monde sans cut. Il n’y a pas encore de tournoi de ce type en Europe. C’est une marque détenue par le PGA Tour, même si le circuit européen est représenté. L’objectif, c’est de réussir à faire venir tous les quatre ans un World Championship en France. Déjà, il a fallu se battre pour faire revenir l’Open de France dans le calendrier du circuit européen. A ce sujet, je dois participer à une conférence de presse lundi prochain avec Keith Pelley (directeur du Tour Européen), j’espère qu’on pourra annoncer une bonne nouvelle…

La puissance joue un rôle de plus en plus important dans le golf de haut niveau aujourd’hui. On pense, entre autres, à Bryson DeChambeau. Certains évoquent un changement de balle ou de matériel pour limiter cette tendance. Quelle est votre opinion ?

Cela ne m’inquiète pas tant que ça car on s’est longtemps plaint que les golfeurs n’étaient pas des sportifs. Des gars comme Dustin Johnson ou Bruce Koepka pourraient être performants dans d’autres sports aujourd’hui et la plupart des meilleurs joueurs du monde sont de vrais athlètes. Cela est aussi lié à l’évolution du matériel. C’est une bonne chose que les grandes marques investissent dans la recherche pour améliorer les clubs, les drivers, etc. Il y a déjà eu des règles pour limiter l’effet trampoline des drivers ou pour interdire les stries carrées sur les sandwedges. J’ai connu aussi une époque où l’on jouait avec des balles anglaises, plus petites que les balles américaines actuelles. Les parcours ont beaucoup évolués ces dernières années pour s’adapter à cette nouvelle donne, les greens sont devenus plus fermes et plus rapides, les fairways plus étroits, les roughs plus contraignants… Les scores n’ont pas changé tant que ça finalement. Je pense que la préparation des parcours est le meilleur moyen de résister à ce surcroît de puissance. Il faut vraiment faire attention quand on veut changer les choses. Et puis le golf a beaucoup évolué en 50 ans, il est devenu encore plus spectaculaire. Les champions ressemblent à des athlètes et il y a bien plus de joueurs qui sont capables de gagner. Avant, Nicklaus, Palmer et Player raflaient presque tout à eux trois.

Propos recueillis par Franck Crudo

*https://nationalgolfweek.com/