Du 22 mars au 9 mai, la galerie des Montparnos dans le 6e arrondissement de Paris, présente pour son exposition de printemps l’œuvre magistrale d’Ossip Lubitch, l’un des peintres emblématiques des heures chaudes de Montparnasse.

  • Nu allongé, 1930 - Gouache - Signée en bas à droite - 63 x 98 cm. Crédit photo © Eric Pineau

Ossip Lubitch (1896-1990) appartient à la grande famille de « l’École de Paris », un ensemble de peintres de grand talent venus de l’étranger et attirés au début du 20e siècle par l’éclat artistique de la capitale. Né à Grodno dans l’Empire russe (aujourd’hui la Biélorussie), Ossip Lubitch s’impose comme une figure majeure et historique des peintres d’origine juive du Montparnasse de l’entre-deux-guerres. Dans ce quartier bohème peuplé d’ateliers aux larges baies vitrées, ses compagnons de route et amis étaient Soutine, Krémègne, Volovick…

D’un tempérament réservé, mais aussi à ses heures espiègle et farceur, le peintre était connu pour être un homme timide et silencieux, reflet d’une vie souvent âpre et difficile. Fils d’un maréchal ferrant, il grandit dans une famille juive pratiquante et apprend à parler le russe, le yiddish et l’allemand. Sa vocation artistique fut assez précoce, mais il a longtemps hésité enfant entre la musique et la peinture. Après des études dans le lycée local, il opte pour la peinture et part pour Odessa l’étudier. Lubitch veut alors se consacrer entièrement à la peinture et comme beaucoup d’artistes étrangers de l’époque qu’ils soient latins ou slaves, il décide de s’installer à Paris. En 1923, un engagement pour la décoration d’un cabaret montmartrois lui en donne l’occasion. Dans la ville-lumière, il vit grâce aux décorations des cabarets, des restaurants mais aussi des appartements. Le sculpteur Bourdelle qui apprécie son travail l’encourage et l’introduit au Salon des Tuileries dès 1925. Il expose aussi au Salon d’Automne dès 1926.

Proche d’Antoine Bourdelle et Georges Rouault

Définitivement fixé à Montparnasse, il va participer à la grande épopée artistique de l’entre-deux guerres avec le groupe de Jean Pougny, Pinchus ,Chaïm Soutine, les sculpteurs Irène Codreano, Léon Indenbaum. Son milieu est celui des musiciens du groupe Triton, animé alors par de jeunes compositeurs : Marcel Mihalovici, Alexandre Tansman, Alexandre Tcherepnine, Conrad Beck, Tibor Harsànyi, Bohuslav Martinu, les pianistes Monique Haas, Inna Marika ou le chef d’orchestre Charles Munch. Il adore son atelier de la rue d’Odessa et fréquente presque quotidiennement le café « La Coupole » ou « Le Select », point de rencontre de ses frères de création.

Lubitch est en permanence inspiré par le spectacle du monde qui l’entoure : visages, objets, intérieurs, paysage. L’atmosphère particulière du cirque et du théâtre l’attire depuis toujours. Au début des années 1930, il en exploite ardemment le thème : clowns, danseurs, arlequins lui sont prétexte à de multiples variations de rythmes. Intéressé par la façon dont il a traité le cirque, le peintre Georges Rouault lui fait l’honneur d’un poème sur ce thème qu’il affectionnait tout autant que lui. Il deviendra la préface d’un album « Le Cirque », un ensemble de 10 eaux fortes aquatinte publié en 1934, aux éditions « Les Quatre chemins ». La vignette et le coffret ont été faits d’après le projet de son ami, le poète futuriste Iliazd. Lubitch fréquenta également à Montparnasse le milieu des peintres suisses et il partit faire un long séjour chez le peintre Cuno Amiet où il exposa à Zurich.

Tendresse lumineuse

Pendant la guerre, Lubitch ne cesse de peindre dans son atelier, rue d’Odessa, à Montparnasse. En 1944, il est arrêté et interné au camp de Drancy jusqu’à la Libération de Paris, le 18 août 1944, au lendemain du dernier convoi pour Auschwitz.  Après l’épreuve de la guerre, Lubitch retrouva son atelier et reprit son activité. Il travailla toutes les techniques et tous les sujets : portraits, nature mortes, paysages, compositions. À cette époque, sa vie privée changea. Il rencontra Suzanne Bouldoire, également peintre, qui deviendra sa femme.

De leur union naîtra une fille, Dinah. « La peinture d’Ossip Lubitch s’impose comme la tentative poétique de réunir tous les arts autour du merveilleux sur cette surface peinte qu’on appelle le tableau. Comme une espérance pleine de clarté capable à elle seule de vaincre les noirceurs du monde » explique Mathyeu Le Bal le responsable de la galerie et l’instigateur de l’exposition. Des œuvres qui ont conservé une tendresse lumineuse, pleine d’humanité, un regard sur le monde d’une incroyable douceur, une palette intimiste sur la joie. Une peinture sur l’âme slave de la rive gauche, toute de sensibilité profonde et de chaleur à découvrir d’urgence sur les cimaises des Montparnos.

David RAYNAL

Un beau livre-catalogue d’une centaine de pages est disponible à la galerie pour cette occasion.

Galerie Les Montparnos

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