A quelques mois de la Ryder Cup 2018 à Paris, Thomas Bjørn, Capitaine danois de l’équipe européenne a une vision précise de son rôle et de la nature de l’événement. Des vice-capitaines possibles aux douze joueurs qu’il retiendra pour affronter les États-Unis sur le parcours de l’Albatros au Golf National, il n’a qu’une seule idée en tête : constituer l’équipe la plus forte possible.
Propos recueillis par Nathalie Vion

Thomas Bjørn lors de la BMW Winter Golf Cup 2018 – Photo : © Nathalie Vion

Avant la Ryder Cup en France, du 28 au 30 septembre prochain au Golf National, Thomas Bjørn a fait de nombreux déplacements sur le sol français. Pour des apparitions officielles, pour son travail de repérage des lieux, mais aussi pour s’imprégner de la culture et de l’ambiance de l’Hexagone. Ceci afin de peaufiner la préparation de son rôle de Capitaine de l’équipe européenne. Fin mars à Val d’Isère, invité à disputer la BMW Winter Golf Cup, un tournoi de golf sur… neige, le Danois aux 15 victoires sur le Tour européen avait pu brandir le trophée de la Ryder Cup en haut de la piste olympique de Bellevarde ! Avant de taper un drive inédit dans la pente mythique, aux côtés de Pascal Grizot, le Président du Comité Ryder Cup France. A cette occasion, entre deux descentes à skis, il avait évoqué sa mission de Capitaine, ainsi que sa vision de la Ryder Cup et du golf mondial en général. Entretien…

Thomas Bjørn, depuis un an, vous multipliez les expériences inédites sur le sol français. Après le drive depuis la Tour Eiffel avec le Capitaine américain Jim Furyk, en octobre 2017 lors du « One Year To Go », on vous a vu taper un drive depuis la descente olympique Face de Bellevarde à Val d’Isère. Étonnant pour vous ?

Ah oui, c’est complètement extraordinaire. Je n’ai pas les mots pour décrire ces deux expériences que je dois à mon statut de Capitaine d’une équipe de Ryder Cup. C’est un cadeau que de vivre tout cela. La Tour Eiffel, cela a déjà été un moment à part, tellement spécial. Ce drive avec Jim Furyk restera dans les mémoires pour toujours. Même chose pour Val d’Isère fin mars, quand je tape ce drive depuis ces pistes enneigées où, jusque-là, j’avais l’habitude de venir skier ! Durant cette semaine de la BMW Winter Golf Cup à Val d’Isère, j’ai pratiqué le golf sur neige pour la première fois de ma vie (je crois que je vais rester à l’herbe, la neige, c’est trop différent !). Et puis j’ai aussi pu profiter des pistes et skier plusieurs fois dans des conditions de rêve. Tout cela est vraiment unique. Quand tu vis cela, tu te dis que cela vaut vraiment le coup.

Maintenant que vous connaissez de mieux en mieux notre pays, que pensez-vous que la Ryder Cup va apporter à la France ?

Ce qui va se passer à Paris sera extrêmement spécial. La Ryder Cup, c’est le meilleur vecteur possible pour faire parler du jeu de golf partout dans le monde. On apporte le golf même aux non-golfeurs. C’est un événement que vous pouvez suivre même sans être connaisseur. Cela vous prend, que vous soyez joueur de golf ou pas. C’est le sport de haut-niveau, c’est la passion. Et sur un site comme celui du Golf National, avec Paris en arrière-plan de la fête sportive, cela va être vraiment quelque chose. Les Français peuvent être très fiers de recevoir cette Ryder Cup à Paris.

Voyez-vous une spécificité dans cette Ryder Cup 2018 en France ?

Oui. La France est un pays qui n’a jamais reçu la Ryder Cup sur son sol. C’est un élément que je dois prendre en compte. Donc j’écoute, je réfléchis et j’apprends beaucoup des conversations que j’ai ici ou là. À Valderrama en 1997, c’était la première fois que la Ryder se passait en Europe Continentale. Quelque chose de rare pour les Espagnols. Et je me souviens que les gens étaient très joyeux. Pour la France, je peux vous dire que ce sont les joueurs qui sont incroyablement excités d’aller jouer à Paris. Je pense qu’ils vont bénéficier d’un grand soutien de la part des spectateurs. Parce que la France, au-delà d’être une nation fière, et fière de son sport, a pris depuis longtemps le parti d’organiser de très grands événements sportifs. Vous avez eu la finale de la Coupe du monde de footbal en 1998… Vous avez le Tour de France… Vous allez recevoir les Jeux olympiques d’été en 2014. C’ets très important. Parce ce que je crois que quand on a l’habitude de recevoir ces grands moments de sport, c’est un tout un pays qui finit par être derrière l’événement.

Thomas Bjørn lors de la BMW Winter Golf Cup 2018 – Photo : © Nathalie Vion

Comment définiriez-vous ce qui se passe dans ces fameux matches États-Unis/Europe ?

J’ai déjà pu suivre de très grands événements de sport partout dans le monde mais la Ryder Cup ne ressemble à rien d’autre. C’est la seule occasion sur la planète où tout un continent, l’Europe, va former une unité, au-delà des pays et des frontières, pour affronter les États-Unis, un très grand pays qui est à la fois notre grand rival et notre grand ami. Ce qu’il y a autour comme signification dépasse souvent ce qui se passe sur le terrain sportif des matches. La Ryder Cup, c’est quelque chose qui est plus grand que vous-même et plus grand que votre propre pays.

Comment voyez-vous votre rôle de Capitaine auprès des joueurs européens lors de cet été 2018, dans une phase qui relève à la fois de la préparation et de la qualification ?

Je dois les faire ce qu’ils sentent être bons pour eux-mêmes. Je regarde ce qu’ils aiment, ce qu’ils choisissent, mais je dois les laisser construire leur propre programme. Vous savez, la Ryder Cup, c’est un truc « massif ». C’est à dire qu’à un moment, ce qui se passe dans votre tête de joueur va être déterminant. La sélection dans l’équipe de Ryder Cup ne doit pas être votre but de l’été. Et encore moins un but individuel. La Ryder Cup sera simplement la conséquence des succès que vous aurez réalisés pour vous-même.

Quelles sont les qualités premières d’un Capitaine de Ryder ?

La compréhension ! Il faut avoir compris ce qu’est la Ryder Cup. Il faut comprendre comment la semaine de la Ryder se déroule. Enfin, il faut comprendre ses joueurs. À côté de cela, il faut savoir s’expliquer… Mais pas trop !

Avoir remporté trois fois la Ryder Cup en tant que joueur fait-il de vous un Capitaine confiant ?
Si l’on a gagné la Ryder dans le passé, cela ne vous aide pas à être plus fort. Ce qui peut rendre un Capitaine fort, c’est de pouvoir compter sur des joueurs qui arrivent d’une grande saison. Mais sans être qu’ils arrivent non plus sur les rotules. Car la Ryder Cup est une expérience très dure et prenante pour un joueur. Cette année, ce que je vois, c’est que le calendrier entre l’Open britannique (The Open, 19-22 juillet à Carnoustie) et la Ryder Cup (28-30 septembre à Paris est très chargé. Ce sera un point important à gérer.

Entre les Ryder Cup que vous avez disputées en tant que joueur et celle de Paris que vous allez vivre en tant que Capitaine, quelle évolution ?

Déjà, ce n’est plus autour de moi que cela se passe. J’ai 47 ans et si je continue à aimer voyager et à mener une vie de un golfeur pro, j’ai eu mon propre temps. Là, ce sera « leur » moment ! Ce que je vois, par rapport à l’année 1997 où j’avais disputé ma première « Ryder » à Valderrama, c’est qu’on est passé à une ère beaucoup plus moderne. Avant, c’était douze joueurs et un Capitaine, guère plus de monde. Maintenant, avec ces joueurs modernes, on va trouver des structures modernes. Il y a le fitness coach, le swing coach, le putting coach, le nutrition coach… Un Capitaine doit comprendre cela, en tenir compte. Il doit aussi bien connaître ses joueurs. Tous ont leur personnalité. Tous sont différents.

Que pensez-vous des performances des joueurs français ? Leurs chances de faire partie de l’équipe fin septembre au Golf National ?

Je comprends que la France voudrait qu’il y ait au moins un golfeur français dans l’équipe européenne. Moi-même, j’aimerais bien qu’il y en ait un. Mais dites-vous que les Danois aussi aimeraient bien en avoir un. Toute l’Europe espère avoir un ou plusieurs joueurs sélectionnés pour cette Ryder Cup 2018 ! Pour moi, la nationalité ne doit pas compter. Cela n’entrera nullement en ligne de compte. Idem pour les quatre wild cards. Bien sûr mes choix dépendront de plusieurs facteurs, de l’équilibre de l’équipe, par exemple entre les jeunes et les anciens. Mais à la fin, je retiendrai les douze joueurs les plus fort. Ceux qui ont une chance de gagner leurs matches.

Quel type de challenge le Golf National de Saint-Quentin-en-Yvelines représente t-il pour des joueurs de classe mondiale, qu’ils soient européens ou américains ?

C’est très très dur. Le parcours de l’Albatros est un parcours très exigeant. J’ai du jouer l’Open de France au National au moins dix fois. Ce que je sais, c’est qu’on peut vite être par terre. Et que la météo va être un facteur très important aussi, à cette date de fin septembre… Ce dont je suis sûr, c’est que jouer l’Albatros en match play va être extrêmement excitant !

Contrairement à Jim Furyk, le Capitaine américain, vous avez dès le départ décidé de prendre votre temps pour nommer vos vice-Capitaines… Pourquoi ce choix de n’en nommer qu’un seul très vite, le Suédois Robert Karlsson, puis d’attendre pour les autres ?

Les vice-Capitaines sont très importants, pour les joueurs comme pour moi. Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu. Alors oui, j’avais décidé que je ne les nommerai que lorsque je ce serait le bon moment. Pas avant que je sois prêt.

Déjà appelé comme vice-capitaine de l’équipe américaine, Tiger Woods, qu’il joue ou pas (selon l’évolution de ses résultats cet été), est certain d’être présent à Paris pour assister Jim Furyk. Une excellente nouvelle pour le golf et la Ryder Cup en France ?

Bien sûr ! Tiger Woods, c’est notre superstar du golf ! Il est de loin la plus grande star que cette discipline ait connu. Ce qu’il véhicule est très important. Tous les golfeurs, pros ou amateurs, lui doivent tellement… Qu’il soit présent au Golf National en septembre va créer un magnifique focus sur la compétition et sur le golf tout entier. Tiger apporte toujours de l’intérêt à un événement. Quand il est là, c’est un peu plus grand !

Tiger Woods, non seulement vice-capitaine, mais aussi sélectionné parmi les douze joueurs de l’équipe de Jim Furyk, cela vous paraît-il possible au vu de son début de saison 2018 ?

Ce que je peux dire, c’est que son retour a eu quelque chose de très émotionnel pour moi. J’aime le voir heureux. Il le mérite. C’était fantastique, génial de voir cela après les galères qu’il a traversées. Peu de sportifs auraient pu réussir un tel retour. Pour avoir partagé beaucoup de parties avec lui, en tournoi ou à l’entraînement, je sais qu’il peut encore réaliser des choses incroyables. On va voir ce qu’il va faire dans les tournois de l’été. Mais s’il parvenait à se qualifier parmi les douze joueurs de l’équipe US, ce serait un bonus massif pour la France !