Au golf de Las Colinas, situé entre Murcie et Alicante, nous avons eu le plaisir de jouer une partie en compagnie de la très sympa Florence Descampe, ex-n°11 mondiale, 7 victoires sur le circuit et 1 Solheim Cup au compteur. Entre fous rires, anecdotes, conseils et autres grattes (de notre part), nous avons abordé avec la championne belge sa carrière, sa vision du circuit ou encore sa nouvelle vie.

Florence Descampe : « Le circuit féminin manque de personnalités »

Florence Descampe – ©Franck Crudo

Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?

Il y en a plusieurs. Je dirais ma 2e place au British Open en présence de mon père, qui était rarement sur les tournois. Mais aussi ma première victoire au Danemark en 1988 devant Laura Davies. J’avais joué -6 sur les neuf derniers trous pour remporter l’épreuve, à seulement 19 ans. Cela a d’ailleurs longtemps été un record de précocité sur le circuit féminin, avant que Paula Creamer ne gagne l’Evian Masters (en 2005).

Mais le plus prestigieux reste ma participation à la Solheim Cup en 1992, à Dalmahoh (Ecosse), avec la première victoire européenne dans l’épreuve.

Et ta meilleure carte ?

Le 64 que j’ai signé au dernier tour à Munich pour remporter l’Open d’Allemagne…

Florence Descampe : « Le circuit féminin manque de personnalités »

Florence Descampe – ©Franck Crudo

Tu as décroché très jeune ta première victoire, mais tu as également arrêté ta carrière prématurément. Pour quelles raisons ?

J’ai gagné très tôt. Dès l’âge de 20 ans, je devais être n°3 ou 4 en Europe. Du coup, je suis partie beaucoup trop jeune aux Etats-Unis, où j’ai très bien joué d’entrée et gagné mon premier tournoi dès ma 5e participation sur le circuit LPGA (le McCall’s Classic dans le Vermont).

Mais très vite, la solitude a commencé à me peser, surtout que j’aime bien sortir, aller au restaurant. En plus, à l’époque, il n’y avait pas internet, pas de portables… Heureusement, je m’entendais très bien avec mon caddie Mark Fulcher, qui est aujourd’hui celui de Justin Rose.

1992 était pourtant ta meilleure saison avec cette victoire sur le circuit américain et ta participation à la Solheim Cup…

En fait, comme je n’étais pas bien dans ma tête, j’ai commencé à perdre mon golf en 1993. Techniquement, mon swing était une machine façonnée par David Leadbetter. Jusqu’en 1992, je n’avais jamais encore raté un cut. Puis j’ai commencé à en rater, à perdre confiance, à me poser trop de questions. Et là c’est le cercle vicieux. Comme tu manques les cuts, tu restes sur les tournois sans jouer le samedi et le dimanche, tu te mets à gamberger. Comme ton classement chute, tu n’es plus invitée sur les pro-am le mercredi pour reconnaître les parcours. Tu ne peux jouer que 9 trous à pas d’heure. Tu as des départs à l’aube car les meilleurs horaires sont réservés aux meilleures joueuses…

As-tu des regrets d’avoir arrêté ta carrière si vite ?

Non, car cela m’a permis de fonder une famille et d’avoir trois magnifiques enfants. Le seul regret, c’est de n’avoir pas avoir su tout ce que je sais maintenant et de ne pas être resté en Europe. J’ai pris le mauvais chemin…

A ce sujet, il paraît que le grand Severiano Ballesteros t’a même prodigué quelques conseils…

Oui, je passais à l’époque des journées entières au practice chez Leadbetter et Ballesteros est venu me parler. Il m’a dit que je devais jouer davantage au feeling, que mon swing était trop mécanique. A posteriori, je me dis qu’il avait raison.

Comment expliques-tu que le circuit féminin éprouve aujourd’hui tant de difficultés à trouver des sponsors et à exister par rapport au circuit masculin, contrairement au tennis par exemple ?

Je le disais déjà il y a vingt-cinq ans et je n’ai pas changé d’avis sur le sujet : je trouve que le circuit européen a été très mal gérée à l’époque.  IMG avait proposé de réduire le champ de joueuses dans les tournois, afin de rendre le spectacle plus sélectif et attractif, mais cela a été refusé. IMG s’est retiré. Depuis, le Tour n’a jamais pris son envol.

Et puis, il faut bien le dire, on a aujourd’hui de nombreuses joueuses asiatiques en haut des leaderboards qui ne sont pas vraiment charismatiques, qui ne parlent pas. Elles te disent bonjour au 1, au revoir au 18, puis elles s’en vont.

A mon époque, il y avait de vrais personnalités telles que Laura Davies, Catrin Nilsmark, ensuite Annika Sörenstam…

Le golf belge en revanche se porte plutôt bien et sort régulièrement des bons joueurs…

C’est vrai. Chez les filles, on a aujourd’hui Laura Gonzales et Chloé Leurquin. Chez les garçons, Nicolas Colsaerts a joué un rôle très important. Il a ouvert la voie. C’est quelqu’un de très généreux  qui conseille et aide les jeunes, comme Thomas Detry et Thomas Pieters, avec lesquels il partage le même entraîneur (Jérôme Theunis et Michel Van Merebeeck).

Pieters et Detry ont également été soutenus par leur fédération régionale et sont partis faire leurs études universitaires dans l’Illinois. Tout comme les petits jeunes qui arrivent, tels Adrien Dumont de Chassart et Giovanni Tadiotto.

Tu as ressorti tes clubs du placard récemment ?

Oui, j’ai repris le golf il y a deux ans, notamment pour surmonter cette peur qui m’habitait quand j’ai quitté le circuit. Je pensais à beaucoup trop de choses avant de taper. J’ai pris des leçons avec Jérôme Theunis lors de ma reprise. Aujourd’hui, ce n’est que du plaisir, je n’ai plus peur. Avant, j’avais un entraîneur qui jouait pour moi (David Leadbetter). Aujourd’hui, c’est moi qui joue…

Quelle est ta nouvelle vie ?

J’ai un rôle d’ambassadrice pour Las Colinas. C’est un très bel endroit, avec une ambiance bon enfant et un très bon staff. Je les aide à promouvoir le parcours en Belgique, notamment en organisant des compétitions de qualification pour la Copa Las Colinas, qui a lieu chaque année.

J’ai également un rôle d’ambassadrice depuis mai 2017 pour le World Amateur Tour, organisé par Jean-Charles Cambon. On joue sur les plus beaux golfs dans le monde entier (Chine, Afrique du Sud, République Dominicaine, Portugal, Espagne, Ecosse). J’accompagne les joueurs sur les trous, discute avec eux, joue un peu le rôle de coach mental, j’adore ça !

Tu as ainsi pu retrouver à cette occasion le parcours du Turnberry qui, je crois, ne t’avait pas laissé un super souvenir durant ta carrière…

Je me souviens avoir dû taper 4 coups en tournoi là-bas pour sortir d’un bunker. J’en avais les larmes aux yeux, moi qui n’ai pleuré que deux fois dans ma carrière. Des décennies plus tard, je suis retourné dans ce fameux bunker, seule en fin du journée. C’était une sorte de pèlerinage… (Rires)

Propos recueillis par Franck Crudo