A 22 ans, la très sympathique Emma Grechi, victorieuse sur le LETAS l’an dernier, est l’une des grandes espoirs du golf français. Interview.

Emma Grechi

@ LET

Bonjour Emma, comment s’est passé le confinement pour vous ?

C’est presque horrible à dire, car la période a été compliquée pour beaucoup de monde, mais je l’ai bien vécu. J’en ai profité pour me reposer et passer du temps en famille. J’ai beaucoup communiqué avec mon coach, Hugues Soulas, j’ai regardé des vidéos sur le golf. Je me suis mise à cuisiner, j’ai beaucoup lu, notamment Stefan Zweig ou J.K. Rowling, car je suis fan de Harry Potter…

Vous avez pu vous entraîner un peu quand même ?

J’habite en pleine ville, à Bordeaux. Golf At Home m’a envoyé une cage avec un filet. Chez moi, il y a une petite cour, donc j’ai tapé des balles pendant une petite heure par jour en moyenne au début, mais au bout d’un moment ça m’a lassé. J’avais aussi un tapis de putting, j’ai fait des jongles pour garder des sensations avec la balle…

Votre record de jongle ?

En fait, je fais plutôt des figures, mais plus petite, j’en avais réussi 300.

On n’a pas mal au bras quand on fait 300 jongles ?

C’est sûr que si on prend un shaft un peu lourd de 95 grammes, ça fait vite mal au bras (rires). Il vaut mieux utiliser un club junior dans ces cas-là.

Comment avez-vous découvert le golf ?

Ma grande-mère avait des soucis de santé et on lui avait conseillé de faire de la marche. Avec son caractère, elle s’est dit que quitte à marcher, autant jouer au golf. J’avais 10 ans à l’époque et je faisais du judo et du tennis. Ma grand-mère m’a proposé de participer à une journée d’initiation à Lacanau, puis m’a payé un stage de quatre jours à l’UCPA. J’ai tout de suite accroché, l’aventure était lancée…

Votre père était cycliste de haut niveau. Cela a-t-il joué, selon vous, dans votre désir d’être golfeuse de haut niveau ?

Oui, car on a été biberonné au sport, ma petite sœur et moi. On adore tous le sport dans la famille. Dans le couloir à la maison, il y avait le maillot de champion de France de mon père qui était placardé. Moi aussi, je me disais que je voulais être championne de France, mais je ne savais pas encore de quoi (rires). A 12 ans, j’ai disputé mes premiers championnats de France avec la Ligue d’Aquitaine et cela a été comme une révélation. J’ai dit à mon père que je voulais faire beaucoup de compètes. Il m’a répondu qu’on pouvait même gagner sa vie en étant sportif de haut niveau et j’ai dit banco. C’était clair dans ma tête et cela m’a aidé à accepter plus facilement certains sacrifices, comme lorsque vos amis sortent le soir et que vous ne pouvez pas les rejoindre car vous avez un tournoi le lendemain.

Quel est votre objectif à court ou moyen terme et votre rêve ultime de golfeuse ?

A moyen terme, j’aimerais m’installer sur le circuit européen et gagner un tournoi. Mon rêve ultime, c’est de participer aux Jeux Olympiques, de gagner à Evian et de remporter au moins deux Majeurs.

Pourquoi deux Majeurs ?

Parce qu’aucune Française n’a jamais réussi à le faire (rires) !

Vous savez qu’au début du mois, nous avons interviewé la dernière Française à avoir gagné un Majeur, Patricia Meunier-Lebouc*.

J’adore Patricia ! On a un peu le même caractère, posé, calme. Elle m’avait sélectionné en équipe de France dames en 2017.

Votre victoire au Belfius en Belgique, l’an dernier sur le LETAS, est-il le meilleur souvenir de votre jeune carrière ?  ?

En fait, il y en a deux. Ma plus grosse émotion, c’est peut-être ma victoire au championnat de France minimes en 2014, au Golf National. J’avais réussi à faire comme mon père : champion de France ! En plus c’était au Golf National ! Cela m’a aussi fait prendre conscience que j’avais le niveau. C’était une émotion particulière car ma mère, ma grand-mère qui m’avait fait découvrir le golf, ma sœur et mon entraîneur étaient présents. Pas mon père, mais il était là l’année suivante pour mon second titre de championne de France, à Massane. Et puis il y a aussi ma victoire en Belgique sur le LETAS. C’est toujours important un premier titre sur le circuit pro, d’autant que je ne m’y attendais pas du tout car je sortais d’une semaine compliquée à Montauban. J’ai été jouer le tournoi sans pression et toute seule, car d’habitude je viens toujours accompagnée de mes parents ou de mon coach. C’était vraiment une belle surprise.

Quel est votre meilleur coup ?

En général, c’est plutôt la régularité de mon jeu de fer. Mais en ce moment, c’est plutôt le petit jeu, le putting, le chipping. Je travaille beaucoup mon petit jeu avec mon coach depuis maintenant un an et demi. Je commence à avoir de bonnes stats dans ce domaine.

Votre point faible ?

(Elle réfléchit) Peut-être les balles en draw, car j’ai tendance à faire du fade.

Votre meilleur score ?

-9 au golf de Toulouse Seilh. J’étais la marraine d’un événement pour les jeunes, il y a deux ans.

Avez-vous déjà réussi un trou en un ?

J’en ai fait deux mais malheureusement, pas en compétition. Mon premier, j’avais 12 ans et c’était lors d’un parcours de reconnaissance sur l’Aigle, au Golf National. Je fais une balle toppée, pas belle, je ralouille un peu… et là j’entends d’autres joueurs crier car ma balle est tombée dans le trou ! Mon second trou en un, c’était plus récemment au Médoc, le trou n°2 des Vignes, 175 mètres. Je joue un hybride qui part à droite, j’espère que la pente va me la ramener mais je la perds de vue. Avec mon partenaire, on cherche un peu partout ma balle. Au bout d’un moment, je vais voir dans le trou, car on ne sait jamais (rires). Et elle y était !

Un mot sur le golf de Villenave d’Ornon, qui est votre terrain d’entraînement ?

Mon coach était le directeur du golf, après avoir été celui de Margaux, du coup je l’ai suivi. C’est un club jeune, dynamique, où il y a mon partenaire, UGOLF. Ils ont aussi une manière différente de former les gens au golf car les débutants vont directement sur le parcours. Je m’y sens bien et le parcours, étroit, est très stratégique.

En parlant de parcours, quel est votre préféré en France ?

Evian ! L’environnement est magnifique. J’aime beaucoup le tracé, il faut toujours anticiper le coup suivant et calculer où mettre la balle, même sur les coups de fer car les greens sont très tortueux. C’est toujours un plaisir pour moi de jouer ce parcours à l’occasion du Jabra.

Quel est le défaut le plus fréquent chez les amateurs, selon vous ?

Ce n’est pas forcément un défaut technique, car tout le monde peut frapper dans une balle. Je trouve qu’ils font trop de practice et ne vont pas assez sur le parcours. Leur stratégie n’est pas assez bonne, il faut la déterminer en fonction de son objectif, savoir où on veut et ne veut pas envoyer la balle…

La stratégie doit-elle aussi prendre en compte nos sensations du moment ? Par exemple, si on arrose au drive, il faut aussi savoir changer de club ?

Oui, bien sûr, il y a plein de paramètres à prendre en compte. Il y a toujours la solution de changer de club si on n’est pas dans un bon jour, il y a des moments où il faut savoir limiter les dégâts. Il y a des fois où l’on peut scorer des bons +2.

En dehors du golf, quels sont vos centres d’intérêt ?

J’adore la musique, j’écoute de tout, Cure, ACDC, Nirvana… j’adore la musique des années 80. Et puis je regarde beaucoup de sport à la télé. Le rugby d’abord, je suis Bègles-Bordeaux à fond (rires). J’adore regarder le judo, l’escrime, le vélo… Les années olympiques, c’est top pour moi, même le curling je regarde !

Le golf aussi ?

Paradoxalement moins, à part les plus grands événements. Quand on passe 8 heures par jour à jouer au golf, il faut aussi savoir faire un break…

Propos recueillis pas Franck Crudo

*https://swing-feminin.com/patricia-meunier-lebouc-marie-laure-de-lorenzi-et-bernhard-langer-etaient-mes-modeles/