Posté le 22 mai 2018 dans Life Style.
Chronique de Kristel Mourgue d’Algue : Les défis du swing moderne
A la recherche du swing parfait, différentes théories s’affrontent régulièrement avec tous les 15/20 ans l’émergence d’un courant de pensée prépondérant. De l’étude du mouvement incroyablement « simple » et efficace de Ben Hogan, au tout connecté « one piece » de Jimmy Ballard, en passant par le nouveau A-swing de David Leadbetter, la quête du Graal demeure obstinée.
Par Kristel Mourgue d’Algue
La domination de Tiger Woods fin 1990/début 2000, et avec elle, l’envol des gains multipliés par plus de deux en l’espace d’une décennie sur le circuit américain, ont mené à la tentative de réplique de son mouvement agressif, basé sur un niveau de préparation physique jamais atteint jusque là. Le swing moderne tel qu’on l’entend aujourd’hui était né… mais quelques années plus tard, les blessures semblent survenir plus souvent chez les professionnels mais aussi plus jeune. L’avenir de l’un des gestes sportifs les plus complexes qui existent serait-il en délicatesse ?
D’un swing long et délié, basé sur une généreuse rotation du bas du corps, le geste idéal devint au fil des années plus court, ancré au sol afin de permettre une différenciation maximale entre le bas et le haut du corps. Le mouvement de balancier s’est transformé en mouvement plus explosif ; l’objectif consiste à emmagasiner un maximum de puissance à la montée afin de pouvoir la libérer à l’impact avec une hyper extension du genou gauche (et ce surtout avec les longs clubs).
Ce « power swing » et notamment « l’enracinement » au sol, provoquent davantage de tension dans le bas du dos et dans le genou gauche au « downswing ». Un geste raccourci équivaut également à moins de temps pour effectuer la transition au retour. Les pros, devenus pour la plupart de véritables athlètes et qui génèrent en moyenne une vitesse de club de 190 km/h avec leur drive, ont dû adapter leur travail physique afin de réussir à produire un tel swing et résister aux doses d’entrainement considérables qui vont de pair avec une concurrence acérée et grandissante. Selon le chirurgien orthopédique américain, Sandy Kunkel, « l’intensité du swing actuel sur le corps se révèle inquiétante dans la mesure où des athlètes d’une vingtaine d’années s’exposent déjà à des traumatismes » (The Guardian, 18/01/2017).
Jusqu’à présent, très peu de blessures semblaient liées au swing lui-même. Seul le célèbre commentateur américain Johnny Miller, qui s’inventa « bucheron » dans son ranch à l’hiver 77, alors qu’il se trouvait au sommet de sa gloire (il gagna 10 tournois de 74 à 75 et venait de remporter le British Open à Royal Birkdale en 1976), brisa sa carrière dans l’espoir de gagner en volume musculaire… A l’heure actuelle, les meilleurs golfeurs du monde qui bénéficient néanmoins d’une équipe d’experts autour d’eux, ne sont pas exempts de traumatismes physiques. Ainsi l’ancien numéro 1 mondial, le Nord-Irlandais de 28 ans Rory McIlroy, a dû poser ses cannes pendant plus de trois mois l’année dernière, en raison de sérieux traumatismes aux côtes lors de « séances trop intensives d’essais de clubs » (BBC 14/08/2017). Le Japonais Hideki Matsuyama, 25 ans et actuel 6ème joueur mondial, fut contraint de déclarer forfait pour des douleurs au poignet gauche, le vendredi du Waste Management Phoenix Open au début du mois de février. Le vainqueur de l’US Open 2017 et pourtant robuste Américain de 27 ans, Brooks Koepka a de même rangé ses cannes à la mi-janvier en raison de complications au poignet…
Quant aux proettes, elles se retrouvent presque aussi touchées par les blessures que les hommes. Ainsi l’Américaine de 28 ans, Michelle Wie est « devenue un cadavre ambulant » d’après son coach anglais David Leadbetter qui la suit depuis ses 13 ans, avec des douleurs aux deux poignets, au cou et aux disques du dos. La « Pink Panther », l’Américaine Paula Creamer âgée de 31 ans (10 victoires sur le LPGA*1 dont 1 Majeur), vient pour sa part, d’annoncer enfin son retour à la compétition à la mi-mars après une opération aux poignets en octobre dernier. Du côté des Françaises, la jeune et talentueuse golfeuse de 23 ans, Perrine Delacour, qui fait partie des cinq tricolores évoluant également sur le LPGA, elle a été blessée trois fois en trois ans…
Il reste difficile d’affirmer sans réserve que le swing moderne constitue la cause unique de blessures chroniques, se déclarant de plus en plus tôt dans une trajectoire professionnelle. En effet dès 1994, alors qu’il affichait un swing long et souple à l’université de Stanford, Tiger Woods filiforme du haut de ses 19 ans, subissait déjà une première opération du genou. Plus de recul serait nécessaire afin d’analyser l’impact de ce swing sur la longévité des carrières professionnelles.
Néanmoins, au fil des années la compétition se révèle de plus en plus rude et lucrative, et ce sur la majorité des circuits. Les joueurs professionnels, désireux d’accéder aux sommets s’infligent des séances d’entrainement acharnées aussi bien au practice que dans la salle de gym. Pour beaucoup, il s’agit au mieux de renforcer sa confiance, au pire de soulager ses nerfs dans un contexte compétitif extrême. La tentation est grande par conséquent de s’adonner aux substances illicites tout en fantasmant sur de futures victoires. Mais les tendons ne suivent pas la même évolution radicale que des muscles dopés, dès lors l’apparition de blessures. Il ne faut pas être naïf, à l’instar des autres sports, le golf est frappé par le dopage mais peut-être encore dans une moindre mesure. Il devient urgent d’aborder le sujet en toute transparence et de pratiquer des tests antidopage davantage performants (le PGA Tour*2 a annoncé à partir d’octobre 2017 la mise en place de tests sanguins et non plus uniquement des tests d’urine) afin de préserver une génération de jeunes talents et conserver l’intégrité de ce sport.
La longévité demeure sans équivoque l’un des attraits de ce sport. Une gestion raisonnée de leurs entrainements golfiques, physiques ainsi que de leur calendrier dispenserait les pros de tomber dans l’écueil du dopage et leur permettrait d’atteindre leur « apogée » lors des tournois Majeurs tout en profitant d’une carrière qui s’étalerait sur plusieurs décennies.
Quoi qu’il en soit, selon Ryan Myers, le coach de Zach Johnson et Billy Horschel « la préparation physique adaptée aux golfeurs n’en est qu’à ses balbutiements » (Golf Digest, 24/08/2017). Il conviendrait de l’embrasser jeune (Rory McIlroy ne s’y est consacré qu’à partir de ses 21 ans) mais surtout d’être bien entouré. Intégrée au mode de vie, une préparation physique avisée permettrait en amont un renforcement musculaire et par la suite, de conjuguer puissance et flexibilité. Mieux comprise et mieux assimilée, elle mettrait l’accent sur la coordination musculaire et non pas la vitesse de swing. Elle éloignerait par la même occasion et à jamais, le spectre de substances néfastes pour l’organisme. Rendez-vous dans 20 ans !
KMA est une ancienne joueuse du Circuit Européen, co-éditrice du Guide Rolex des « 1000 Meilleurs Golfs du Monde » et co-propriétaire du Grand Saint Emilionnais Golf Club