Kristel Mourgue d’Algue est une ancienne joueuse du Circuit Européen, co-éditrice du Guide Rolex des « 1000 Meilleurs Golfs du Monde » et co-propriétaire du Grand Saint Emilionnais Golf Club.

De jeunes caddies qui bénéficient de la bourse « Evans » – Photo : D.R.

Le film dédié à Severiano Ballestros (« Seve : the Movie ») et sorti à l’automne 2014 quelques années après le décès du champion espagnol à l’âge de 54 ans, dépeint l’incroyable épopée golfique d’un compétiteur de légende. Issu d’une famille pauvre du petit village de Pedreña, au nord de l’Espagne, Seve débuta sa carrière comme caddie au sein du Club local qui lui permit d’assouvir sa passion dévorante. Il s’agit là d’une des plus belles histoires de ce sport. Aujourd’hui, les caddies au sein des Clubs se font rares, trop souvent remplacés par diverses machines « infernales », alors qu’ils personnifient l’essence même de ce jeu.

Le « cadet » désignait à l’origine le plus jeune fils d’une famille aristocratique. Le terme a emprunté plusieurs orthographes (caddie, caddy…) et par extension, les cadets ont à la fois pourvu les rangs militaires de l’armée écossaise de Mary Stuart au XVIe siècle et porté ses clubs lorsqu’elle s’adonnait à sa passion golfique. Les premiers caddies étaient nés et selon le célèbre champion amateur anglais et prolifique écrivain, Horace Hutchinson (1859-1932), les caddies écossais « ne nourrissaient à l’époque que deux amours : le golf et le whisky ! » Lorsque les Américains tombèrent massivement amoureux de ce sport au début du XXe siècle, le profil du « porteur de sac » changea de manière drastique. Ils érigèrent des écoles à leur intention et établirent un code de bonne conduite long de… 38 pages !

Les caddies accomplissent de nombreuses missions au profit de leurs joueurs. Avant tout conseil dans le choix des cannes et la stratégie des parcours, ils se révèlent également au gré des dispositions du jour, soutien psychologique, réussissant avec habileté à « sublimer » le swing de leurs clients. Henry « Big » Crawford, illustre caddie écossais de North Berwick, avait l’habitude d’affirmer sans emphase à ses « employeurs » avant une partie: « avec mon éminence grise et votre jeu, nous devrions pouvoir aboutir à quelque chose… »

Une situation pour le moins délicate ! – Photo : D.R.

Toute la tradition sportive d’un jeu qui se pratiquait à l’origine à pied est préservée par le bon usage des caddies qui par la même occasion permet aux deux parties de se maintenir en forme physique et non de céder aux sirènes des voiturettes dont les chemins goudronnés dénaturent les tracés.

Par l’emploi des « porteurs de sac », les Golfs proposent un service de qualité pour leurs membres et/ou leurs visiteurs, toujours friands de conseils judicieux lors de la découverte d’un tracé. Les caddies respirent le golf, ils incarnent l’âme du Club, ils en connaissent son histoire et la font vivre. Compétents, ils promeuvent l’étiquette*1 et assurent un rythme de jeu agréable.

Marcher : la tradition sportive du jeu de golf – Photo : D.R.

L’expérience que peut vivre la jeune génération lorsqu’elle décide au cours d’un été, par exemple, de devenir caddie se révèle le plus souvent inoubliable. Une occasion unique et distrayante de gagner de l’argent de poche, et d’accéder à un univers à part où traditions et honnêteté sont de rigueur. Ardent défenseur de cette activité, Jack Nicklaus n’hésite pas à soutenir que « caddeyer permet de côtoyer des personnes de qualité, porteuses des valeurs et des us et coutumes de ce jeu » (Jack Nicklaus : My Story). Conseiller le temps d’une partie des personnalités « éclairées » améliore la confiance en soi, la capacité à interagir en société et peut entrouvrir quelques portes… comme ce fut le cas pour l’américain d’origine irlandaise, Eddie Lowery, qui devint multimillionnaire après avoir largement contribué alors qu’il n’avait que dix ans, à la victoire de l’américain Francis Ouimet à l’US Open de 1913 qui eut lieu à Brookline, Massachusetts.

Arpenter les fairways et respirer l’air pur peut aussi s’avérer l’occasion de découvrir un sport; compagnon privilégié d’une vie. L’emblématique triumvirat américain de la fin des années 30 composé de Ben Hogan, Byron Nelson et Sam Snead (198 victoires à eux trois), qui relança ce sport après la Grande Dépression en jouant notamment avec des manches en acier et des bois en persimmon, en constitue un parfait exemple. Leur talent sauva le monde professionnel avant que ne soit formé officiellement, le PGA Tour*2 en 1948. Originaires de familles modestes et hors de tout système, James Dodson l’auteur d’ « American Triumvirate » affirme dans son livre publié en 2012 que : « sans le golf ces hommes d’exception ne se seraient jamais pris à rêver de gloire et à d’innombrables succès. De milieux simples, leur trajectoire et leur réussite incarnent le rêve américain» (Golf Channel, 13/03/2012).

Eddie Lowery et Francis Ouimet, en route vers la victoire – Photo : D.R.

Quant aux femmes, peu d’entre elles se livrèrent à une telle activité physique pour le moins éprouvante. Et pourtant, la Suédoise Britt Mattsson débuta également dans les rangs des « porteurs de sac » à Stockholms Golfklubb à Kevinge, avant de devenir la première superstar du golf féminin suédois avec 13 victoires dans des championnats nationaux et de jouer les premiers championnats du monde en 1964.

Pour des architectes en herbe, sillonner les parcours s’avère un passage obligé afin d’appréhender au mieux son futur métier. Ainsi l’architecte américain, Tom Doak, obtint une bourse de l’Université de Cornell pour passer une année à St Andrews en Ecosse dans le but de caddeyer et d’étudier l’architecture des links britanniques.

Steve Williams et Tiger Woods – Photo : D.R.

D’autres se découvrent une profession avec caddie à temps plein sur les circuits professionnels comme ce fut le cas du Néo-Zélandais Steve Williams qui porta son premier sac à l’âge de 6 ans avant de prendre celui de Tiger Woods pendant douze ans et de devenir le « sportif » le mieux payé de Nouvelle-Zélande.

L’Age d’Or de la pratique des caddies se situait incontestablement dans l’entre-deux guerre. A l’heure actuelle, seuls quelques resorts et/ou clubs très privés réussissent à maintenir cette tradition.
Du nom du célèbre joueur américain, Chick Evans, qui remporta pour la première fois de l’histoire l’US Open et l’US Amateurs la même année, en 1916 et qui fut caddie à Edgewater Golf Club à Chicago, la « Evans Scholarship » est une bourse créée en 1930. Elle a déjà permis à près de 1.000 caddies méritants d’accéder aux universités américaines. Pourquoi ne pas mettre en œuvre de tels programmes en Europe afin d’attirer de manière efficace une jeunesse qui nous fait encore tant cruellement défaut ?

Kristel Mourgue d’Algue

1 Règles de bonne tenue à la pratique du golf
2 Professional Golfers Association/Circuit Professionnel Américain