@ Alexis Orloff/FFGolf

Quelle est la proportion des femmes qui jouent au golf en France ?

Il y a 29 % de femmes et 71 % d’hommes licenciés dans notre pays. La proportion de pratiquantes est un peu plus difficile à évaluer. Selon le cabinet Sport Marketing Survey, on pourrait atteindre les 35 % de femmes qui pratiquent le golf en France, sans forcément avoir la licence.

Que pourrait-on faire pour attirer davantage encore les femmes sur nos parcours ?

Il est nécessaire d’avoir une approche à la fois pratique et sociétale. Nous avons mis en place en 2008 un plan pour construire 100 petits équipements golfiques de proximité en dix ans. Plus urbaines, plus accessibles, ces structures ont eu un impact positif sur la pratique féminine et jeune. Certaines mamans n’ont pas forcément toujours le temps de jouer 18 trous. Les 9 trous ou les pitchs & putts en zone urbaine, accessibles parfois en vélo ou en transport en commun, touchent plus facilement les femmes puisqu’on dénombre près de 38 % de licenciées dans ces structures urbaines. On s’est aussi rendu compte que les clubs qui accueillent les enfants très tôt, vers 5-6 ans – et pas seulement pour les garder mais aussi pour leur apprendre à jouer – sont un levier d’attractivité important pour les jeunes mamans. Les Scandinaves, qui ont près de 40 % de joueuses, ont compris très tôt qu’il fallait mettre des écoles de golf dans les clubs.

N’y a-t-il pas d’autres raisons qui font que les femmes sont, en proportion, moins attirées par le golf ?

Oui, il y a indéniablement un aspect qui tient à la pratique sportive. En équitation par exemple, il y a 80 % de femmes et 20 % d’hommes. On s’est aussi rendu compte que lors des initiations ou des opérations portes ouvertes, à nombre égale, les femmes semblent moins accrocher à la pratique que les hommes.

Quel impact a eu la crise sanitaire sur le nombre de licenciés en France, cette année ?

Le golf s’en sort mieux que les autres sports. Selon une enquête du CNOSF (Comité national et sportif français), la majorité des fédérations sportives ont perdu entre 15 et 20 % de leurs licenciés, contre 3 à 5 % pour le golf. Nous avons la chance d’être l’un des sports les moins exposés au risque de transmission du virus, puisque nous sommes un sport individuel qui se joue en plein air sur un très grand espace. Nous avons aussi bénéficié d’un relais médiatique favorable puisque beaucoup de reportages ou d’articles sont parus ces derniers mois sur le thème : le golf, un sport de plein air bon pour la santé. Et puis, on a assisté à un véritable engouement lors des opérations portes ouvertes et découvertes du golf, des sociétés comme Blue Green ou UGOLF ont fait leur meilleur chiffre depuis 2012.

Êtes-vous inquiet pour l’avenir du circuit féminin en Europe ?

Je suis plutôt moins inquiet qu’il y a 3-4 ans puisque le LPGA et le LET se sont rapprochés. Le modèle du LET qui veut challenger le circuit américain était voué à l’échec. Le Tour Européen a vocation à devenir un circuit régional, qui alimente le circuit américain. Lequel est le circuit de référence, et de manière encore plus marqué chez les femmes que chez les hommes. En outre, beaucoup d’entreprises veulent investir dans le golf, qui a l’image d’un sport propre à bien des égards. Et le golf féminin est aussi très attractif en terme d’image, d’autant que le ticket d’entrée est très élevé pour intégrer le circuit masculin en tant que sponsor. A la fédération, nous sommes optimistes pour le golf féminin.

Patricia Meunier-Lebouc et Catherine Lacoste sont les deux seules Françaises à avoir remporté un Majeur. Hormis Céline Boutier, y a t-il d’autres joueuses qui ont le potentiel pour gagner un Majeur un jour selon vous ?

Vous citez Céline, mais il ne faut pas oublier non plus Perrine Delacour, qui a sa carte sur le LPGA et en a aussi le potentiel. Il y a deux types de profil qui émergent au plus haut niveau, chez les femmes comme chez les hommes d’ailleurs. Il y a les profils atypiques, celles qui n’ont jamais performé chez les jeunes et les amateurs, et sortent un peu de nulle part. Je pense par exemple à Sophia Popov, qui a gagné le British en août dernier en étant classée à la 304^e place mondiale. Par définition, ce type de succès est difficile à prédire. Et puis il y a les profils traditionnels, qui sont majoritaires. La plupart des grandes championnes et des grands champions ont été très performants durant leur carrière amateur, c’est le principal élément prédictif. Avec Pauline Roussin-Bouchard, qui était n°1 mondiale amateur en début d’année, Agathe Laisné et Lucie Malchirand qui font partie des meilleurs joueuses du monde chez les amateurs, nous avons de sérieuses candidates pour remporter un Majeur à l’avenir.

Dans le top 100 mondial cet été, on ne trouvait qu’une seule Française contre trois chez les hommes. Et dans le top 500 mondial, huit Françaises contre quatorze chez les hommes. Comment expliquez-vous la moindre représentation de nos joueuses par rapport aux hommes dans l’élite du golf international ?

C’est assez fluctuant. Il n’ y a pas si longtemps, avec notamment Gwladys Nocera et Karine Icher, il y avait une présence française plus forte dans le top 150 mondial. Mais c’est vrai que sur 10 joueurs très talentueux en France, 9 vont passer pro chez les hommes et 5 seulement chez les femmes. Cela peut aussi expliquer la moindre densité de nos proettes au plus haut niveau, d’autant qu’il y a une surreprésentation des joueuses américaines et sud-coréennes chez les femmes. Et puis, notamment pour des raisons liées à la maternité, les carrières des joueuses françaises sont en moyenne plus courtes que chez les hommes.

Vous évoquez les Sud-Coréennes. Comment expliquez-vous qu’elles soient aussi nombreuses sur les leaderboards ?

On a fait une étude sur le sujet il y a une dizaine d’années, car cela nous a intrigués. C’est probablement lié à leur approche du sport en milieu scolaire. Les Coréens doivent très jeunes choisir un sport – et le golf fait partie de la liste – puis s’y engager pleinement afin, pourquoi pas, d’y exceller. Le sport est vécu là-bas comme un vecteur d’émancipation social et économique, un peu comme dans les pays anglo-saxons. En outre le golf, par certains aspects, présente des points communs avec les arts martiaux, qui font partie de la culture asiatique. En France, le sport est plus un levier éducatif, on appelle ça l’éducation physique d’ailleurs. La notion de compétition, d’adversité existe peu dans nos écoles. Et le discours, c’est plutôt : OK, fais du golf, mais passe ton bac d’abord.

Le fait d’avoir la chance d’organiser chaque année un Majeur, à Evian, ne permet-il pas de créer des vocations, à l’instar de Roland-Garros au tennis ?

On en est convaincu. Posséder un grand événement sur son sol, relayé par les médias, c’est très important. C’est en voyant des champions à la télé que beaucoup de jeunes rêvent de faire carrière. On a constaté qu’organiser des grands événements en France comme Evian ou la Ryder Cup est le meilleur moyen d’exposer notre discipline et de créer des vocations comme vous dîtes. C’est aujourd’hui même plus important que d’avoir un grand champion, comme cela pouvait être le cas dans le passé pour certains sports. En Irlande, ils ont perdu 10 % de leurs licenciés en dix ans malgré l’émergence de Rory McIlroy. En Espagne, il en ont perdu 15 % malgré Sergio Garcia et Jon Rahm. Au tennis, ils ont aussi perdu des joueurs en Suisse et en Espagne malgré Federer et Nadal. Le judo perd des licenciés malgré Teddy Riner, pareil pour le handball. Ce n’est plus suffisant de faire émerger un grand champion pour attirer de nouveaux pratiquants. La clé, c’est plutôt d’exposer son sport, mais aussi de structurer de manière adéquate l’offre sportive.

On assiste ces dernières années, et même ces derniers mois avec Bryson DeChambeau, à une explosion de la puissance des champions, qui atteignent parfois des distances incroyables et donnent un coup de vieux à de nombreux parcours ? Les parcours ne sont-ils pas désormais davantage adaptés aux joueuses qu’aux joueurs pros ?

C’est vrai que certains parcours historiques sont très intéressants à jouer pour les femmes, mais peuvent apparaître dépassés pour les hommes. Le Médoc, qui accueille le Lacoste Ladies Open, aurait par exemple du mal à se défendre face aux meilleurs. Il y a deux solutions pour contrecarrer cette tendance et éviter que le golf ne devienne un sport de lanceur de javelot à terme. Jouer sur l’architecture des parcours, rendre les roughs plus importants et les greens plus pentus ou encore multiplier les doglegs. L’autre possibilité consisterait à changer la balle pour les joueurs pros. L’avantage de cette piste, c’est qu’elle apporte une réponse globale au problème en changeant très peu de chose. C’est ce que les anglais appellent la « bifurcation » : on change la règle pour 1 % des golfeurs, à l’instar de ce qui se fait au base-ball par exemple, où la balle n’est pas la même pour les professionnels.

L’autre problème du golf professionnel, c’est le jeu lent. On pense là encore à Bryson DeChambeau, mais les joueuses pros ne sont pas non plus exemptes de tout reproche. Lors de l’Open d’Ecosse féminin en août dernier, le dernier groupe du dimanche – composé d’Azahara Munoz, de Jennifer Song et de Stacey Lewis – a joué 18 trous en 5h16. On ne peut rien faire ?

La solution est dans les mains de ceux qui réglementent le jeu. Au football, au tennis, au basket, les joueurs sont sanctionnés quand ils dépassent le temps imparti. L’exemple doit venir d’en haut. C’est incompréhensible qu’on laisse une joueuse ou un joueur prendre deux minutes pour taper son coup. Ricky Fowler l’a bien souligné : il y a une incohérence à appliquer la règle à la lettre et à donner une pénalité si la balle bouge d’un quart de millimètre alors que le dépassement de temps n’est jamais sanctionné. Les sanctions doivent être ici à la hauteur de l’enjeu. Cela peut paraître un peu bête et méchant, mais il suffit d’appliquer la règle à la lettre concernant le temps imparti.

Propos recueillis par Franck Crudo.

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