Typiquement British ! Remporté lundi dernier par l’Américain Zach Johnson, la 144e édition de l’Open britannique a comme souvent généré son lot de pluie, de vent, de coups de froid ou d’anthologie, de suspense et aussi de regrets… Car sur le mythique parcours de Saint-Andrews, ils sont nombreux à en avoir éprouver lors d’une édition rallongée d’un journée en raison des conditions climatiques difficiles. Ce qui en Écosse relève de la tautologie…

A commencer par nos Français. Un joli bataillon de cinq joueurs (Lévy, Dubuisson, Wattel, Jacquelin et Langasque) – un nombre inédit à ce niveau – étaient partis à l’assaut de la célèbre Claret Jug le jeudi. Le dimanche, après le cut, on ne dénombrait plus qu’un seul survivant, passé entre les balles et les bourrasques de vent : Romain Langasque, un joueur prometteur de 20 ans, qualifié pour the Open (comme disent les Anglais) grâce à sa victoire au British amateur un mois plus tôt. Un tournoi qu’il terminera au final à la 65e place, aux côtés notamment d’un certain Ernie Els…

Les autres Français se consoleront, façon de parler, en pensant qu’ils sont tombés au champ d’honneur aux côtés d’un certain Tiger Woods. Le meilleur joueur de tous les temps (avec Nicklaus) a encore vécu un long chemin de croix que laissait redouter son deuxième coup du tournoi : un coup de wedge… dans l’eau. Avec un score de +7 au bout de deux jours, l’ex n°1 mondial finit une nouvelle fois au fin fond du leaderboard, devant seulement sept joueurs, parmi lesquels de vieilles gloires (Tom Watson, Mark Calcavecchia, Nick Faldo) ou un amateur. Le Tigre rugira-t-il encore ou est-il définitivement perdu pour la cause ? Les questions et les doutes demeurent.

Au rayon des regrets, on pense aussi à Dustin Johnson. Après avoir méchamment caviardé le dernier US Open en prenant trois putts à 3,50 mètres sur le 18, l’athlétique Américain menait la troupe à mi-parcours, le dimanche matin à Saint-Andrews, avant de s’éroder progressivement en raison de la pluie et du vent (49e au final).

Lors du dernier tour le lundi, de tous les joueurs ayant fait leur apparition en haut du leaderboard, c’est sans doute Phil Mickelson qui éprouvera le moins de regrets. Parti le matin en 45e position, Phil the Thrill (comme disent les Américains) pointaient en début d’après-midi à deux coups de la tête grâce à 16 premiers trous en -6. Contraint de prendre tous les risques sur les deux derniers trous pour essayer d’accrocher une place de leader provisoire, le vainqueur du British Open 2013 envoyait son drive au départ du trou n°17 – l’un des plus difficiles du monde – sur le balcon de l’hôtel avoisinant. Bilan des dégâts : pas de vitre cassée mais un hors limite et un triple bogey.

Peu de temps après,c’est un autre ancien vainqueur du British Open qui faisait son apparition en haut du leaderboard : l’Irlandais Padraig Harrington, porté disparu depuis 2009, année où il eut l’idée incongrue de vouloir modifier un swing qui lui avait pourtant apporté trois Majeurs. Trois birdies sur les 5 premiers trous… mais quatre bogeys et deux doubles bogeys sur les 13 suivants, l’Irlandais disparaissait de nouveau des radars.

Des regrets encore pour Paul Dunne. Ce jeune Irlandais de 22 ans était coleader à l’issue du troisième tour et pouvait entrer dans l’histoire en devenant le premier amateur à remporter le British Open depuis un certain Bobby Jones en 1930. Mais après avoir manié ses clubs avec la dextérité des meilleurs pros de la planète golf pendant trois tours, Dunne s’ensablait le dernier jour et multipliait les tops et les grattes pour endosser à nouveau son costume amateur. Bilan : une carte de 78, la plus mauvaise signée la dernière journée

Des regrets toujours pour Adam Scott. Pointé seulement à un coup de la tête, l’Australien manquait un putt de… 20 centimètres. Si, si, c’est possible !

Des regrets pour Jordan Spieth. Grâce une ficelle 12 mètres sur le trou n°16, le vainqueur du Masters et de l’US Open prenait la tête du tournoi et pouvait envisager une troisième victoire de rang en Majeur et même un mythique Grand Chelem. Mais un putt raté de 1,80 mètre sur le 17 et un coup de wedge avec trop de backspin sur le 18 brisaient le rêve du Texan, incontestable meilleur joueur du monde depuis le début de l’année.

Des regrets pour Jason Day, dont ce n’était une nouvelle fois pas le jour. L’australien, souvent placé en Majeur mais jamais gagnant, est encore passé tout près du Graal lundi. En ratant de quelques centimètres, court dans la ligne, un putt pour birdie qui l’aurait envoyé en play-offs, le n°9 mondial déclenchait presque la colère de Thomas Levet devant son micro sur Canal+ : « Il n’a pas le droit de rester court sur un putt pour gagner le British Open ! Peu importe qu’il dépasse le trou de trois mètres là… » A l’aune de sa mine déconfite, on peut imaginer que Day pensait plus ou moins la même chose à ce moment-là…

Des regrets enfin pour Louis Oosthuizen et Mark Leishman, battu tous deux par Zach Johnson en play-offs. Surtout pour Leishman d’ailleurs. Avec deux coups d’avance au départ du 16, l’Américain avait déjà un doigt posé sur la Claret Jug. Mais un putt de 1 mètre raté puis un bogey sur le 17 eurent raison d’un joueur sous-coté, mais régulier et souvent placé en haut des leaderboards.

C’est finalement un compatriote au profil similaire qui terminait cette folle journée sans aucun regret : Zach Johnson. Le sosie officiel de l’empereur Commode dans « Gladiator » (joué par l’acteur Joachim Phoenix), vainqueur du Masters en 2007, rentrait ainsi dans le clan fermé des doubles vainqueurs d’un tournoi du Grand Chelem. Une récompense méritée pour l’un des joueurs sans doute les plus sous-cotés du circuit, membre de l’équipe US de Ryder Cup et pointant dans le top 60 mondial depuis onze ans. Un monstre non pas de puissance mais de régularité (85 % de fairways touchés pendant le tournoi, 75 % cette année) et un petit jeu parmi les plus affûtés du circuit.

Franck Crudo