Championne de France à trois reprises en individuel, victorieuse sur le LETAS en 2015, la Lorraine de 28 ans revient sur quelques-uns des moments forts de sa carrière professionnelle, arrêtée il y a un an.

Ariane Provot.

Bonjour Ariane, vous avez arrêté votre carrière fin 2019, que devenez-vous ?

Je suis responsable sportif au Golf Club de Toulouse depuis le 1er juillet dernier. Je m’occupe de l’organisation des compétitions, de la gestion de l’école du golf, je suis aussi responsable de l’équipe d’accueil. J’ai retrouvé plein de visages que je connaissais, car j’avais déjà joué pour le club pendant cinq saisons, entre 2009 et 2013.

Pour quelles raisons avez-vous mis un terme à votre carrière professionnelle ?

J’ai vécu beaucoup de déceptions liées au calendrier du LET. Je me souviens d’une réunion en mai 2017 avec le Tour Européen, où l’on nous annonce que beaucoup de tournois se joueront finalement à champ réduit, c’est-à-dire à 70 joueuses maximum, ce qui me sortait du champ. Cela faisait déjà deux-trois années que je disputais de moins en moins de tournois, en 2016 je n’en avais joué que huit. Cela m’a un peu dégoûté car, encore une fois, je n’ai pas pu jouer davantage que sept ou huit tournois en 2017. On passe beaucoup de temps à s’entraîner pour finalement très peu de temps passé à jouer en compétition sur un parcours, ce qui est démotivant au bout d’un moment. J’ai commencé mes premiers tournois internationaux à 15 ans et depuis cet âge, je n’ai jamais fait autre chose que du golf, même pas le moindre petit boulot. J’avais aussi envie de vivre autre chose.

Pourtant le nouveau calendrier du LET en 2020 s’annonçait particulièrement alléchant, avant que la crise sanitaire nous tombe dessus…

Oui c’est vrai, mais j’avais pris ma décision avant que le nouveau calendrier soit connu, je n’avais plus envie d’attendre, cela faisait déjà deux ans que j’y pensais.

L’adrénaline de la compétition ne vous manque pas un peu ?

Si, mais j’arrive à la mettre sur mes parties amicales, je joue au golf autrement. J’ai pris aussi énormément de plaisir à suivre les filles à la Golfer’s, début octobre au golf de Bondues. En plus, on a ramené la coupe à la maison ! (rires)

Vous avez été championne de France à 13 ans, c’est votre premier grand souvenir ?

Bien sûr. A l’époque j’étais coachée depuis deux ans par Christophe Estermann et je lui dois beaucoup. Quand il est arrivé à Metz, on était douze à l’école de golf et j’étais la seule fille. Quand il est parti, on était une cinquantaine. Il a senti que j’étais douée pour le golf et il m’a poussé très vite à faire de la compète en me disant que j’étais capable de gagner les championnats de France. Je m’en souviendrai toujours, c’était au Golf National sur le parcours de l’Aigle, ma mère était enceinte, presque à terme, limite elle se retenait pour ne pas accoucher (rires). En finale, je me retrouve face à Inès Lescudier, une des meilleures joueuses à l’époque. C’était compliqué à gérer car on était déjà un peu copines toutes les deux. Sur le green du 18, on est à égalité. Elle a un putt d’un mètre et moi de 50 cm, en descente, à jouer. Quand elle putte, je ne veux pas voir ça, je lui tourne le dos et mets ma tête dans les bras. Je me retourne et là, elle me tend ma marque et me dit « bravo, tu as gagné ». Elle venait de rater son putt en faisant une énorme virgule. C’était un beau geste de sa part, car mon putt n’était pas donné, surtout avec l’enjeu.

Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?

Ma victoire sur le LETAS en 2015, en Suède. Je m’en souviens très bien car Fanny Sunesson, qui a caddeyé Nick Faldo puis Henrik Stenson, me donne le trophée. Une vingtaine de minutes avant le départ lors du 2e tour, j’avais le dos complètement bloqué et je croise Fanny, qui me dit qu’elle va essayer de me détendre. Dans le club house, elle m’a fait faire des exercices de respiration tout en me tenant le dos. Elle pensait que c’était peut-être dû au stress et elle avait sans doute raison. Peu après, j’ai pu jouer ma partie sans douleur. Le lendemain pour le dernier tour, je suis en 12e position à huit coups de la tête et partage ma partie avec une Écossaise (Laura Murray). On joue toutes les deux -7 et moi, le -7, je le fais au retour ! On va signer notre carte et là on voit à la télé qu’on est toutes les deux en haut du leaderboard ! On dispute un play-off à trois et, lors du second trou, j’ai un putt de 3,50 mètres pour la gagne. J’avais déjà rentré quasiment le même quelques minutes auparavant au même endroit. Marion Duvernay, qui me caddeyait, m’a encouragé en me disant que je rentrais ce genre de putt la plupart du temps. J’ai poussé un énorme cri quand ma balle est rentrée dans le trou !

Un autre très bon souvenir ?

Le 4 mai 2018. Je joue -10 à Gams, en Suisse. Dix birdies, pas un bogey. J’étais hyper lucide toute la partie, j’étais vraiment dans le moment présent et c’est la clé. J’étais tellement concentrée que je ne m’étais même pas rendue compte que je scorais aussi bas. J’ai toujours rêvé d’avoir une maîtrise totale de ma partie, du début à la fin, et ça m’est arrivée ce jour-là.

Et votre pire souvenir ?

En 2006, lors des championnats de France, un an après ma victoire. Lors du premier tour en match-play, je me fais éliminer dès le trou n°12 par Agathe Sauzon, j’avais l’impression d’avoir perdu à tous les trous. Je remettais mon titre en jeu, je venais juste de gagner la qualif en plus. Je me suis trop reposée sur mes lauriers, j’ai presque oublié de jouer au golf ce jour-là. Il y a aussi la Gaveau à Saint-Germain en 2008. Je joue 73 le premier jour, 83 le second et je rate le cut d’un coup. J’ai même fait une crise de spasmophilie. J’avais envie de mettre ma tête dans un trou, comme une autruche, je n’arrêtais pas de pleurer. Je me souviens que le directeur (François Bardet) est venu me voir dans les vestiaires pour essayer de me consoler, savoir si je voulais qu’on appelle un médecin. Mais j’étais inconsolable (rires).

Votre point fort ?

Les putts d’un mètre, je n’ai jamais douté sur les petits putts. Et puis le driving. Je sais driver fort et droit et j’ai un drive de secours : je mets le tee plus bas, la balle au milieu des pieds et cela me permet de taper des balles plus basses et plus roulantes.

Vous êtes forte aux deux extrémités du jeu en fait…

Oui, mais au milieu c’est plus compliqué ! (rires)

Dans quel domaine est-ce le plus compliqué ?

Les sorties de bunker. Là pour le coup, j’ai toujours douté ! Ces dernières années, lors de mon échauffement avant mes parties, à chaque fois que je m’entraînais dans un bunker je faisais une topette de 50 mètres lors de mes trois premiers essais. Du coup, j’essayais de trouver un axe avec un maximum de marge de sécurité pour ne pas toucher une maison ou aller sur un tee de départ (rires). Et si ce n’était pas possible, j’évitais les sorties de bunker !

Vous disiez tout à l’heure que la clé, c’est de rester dans l’instant présent. Quelle est votre routine au putting ?

Je fais un grand cercle de même diamètre autour du trou, assez loin de la balle, en essayant de visualiser la pente. Quand je suis pleinement concentrée, cela peut sembler fou, mais le green bouge presque lorsque je me remets derrière la balle. J’enfonce aussi l’ongle de mon pouce sur mon index pour ressentir quelque chose et me mettre dans le moment présent. Au golf, comme dans la vie, on fait parfois les choses machinalement tout en pensant à autre chose. J’ai travaillé pendant deux ans et demi avec une psychologue du sport, Mélanie Maillard, qui m’a fait comprendre que se concentrer sur l’instant présent était la clé. Moi, j’ai tendance à être dans la projection, l’analyse, l’anticipation, la créativité. Trop de fois il m’est arrivé de penser au trou n°5 alors que je n’avais pas encore attaqué le green du 2.

Vous parvenez à rester pleinement concentrée pendant 18 trous ?

C’est impossible. Il est aussi important de savoir se relâcher entre les coups. Je me souviens d’une discussion que j’ai eu avec Olivier Léglise. Si on part du principe qu’on a besoin de se concentrer environ 1 minute 30 avant chaque coup et qu’un parcours dure en moyenne disons 4h30, alors le temps de concentration ne dépasse pas 1h30 au total. On a besoin de se concentrer seulement un tiers du temps finalement au golf, tout le reste on peut penser à autre chose. Cela permet de dédramatiser le côté épuisant du golf sur le plan mental. Ce qui est le plus épuisant, c’est que l’on passe par toutes les émotions, on peut mettre la balle plein fairway puis l’envoyer dans le rough ou dans l’eau, réussir un birdie et enchaîner avec un double bogey. Ce sont des hauts et des bas permanents…

Restons sur le très haut alors. Vous avez déjà réussi un trou en un ?

Trois fois. Mon premier, c’était à la Golfer’s au Médoc en 2010. Sur le trou 5, un petit par 3 avec l’eau à droite et le drapeau à gauche sur le green. Je me souviens qu’Anne-Marie Cousse, la mascotte du club, me caddeyait et qu’Anne-Lise Caudal, qui était alors mon idole, était présente. Ma balle a pitché un mètre derrière le drapeau, a fait du backspin et est rentrée. Sinon j’en ai réussi un autre lors d’une partie amicale à Chiberta, sur le 10. Je n’ai même pas vu la balle rentrer dans le trou. Et puis surtout, j’en ai fait un lors d’un tournoi en Allemagne, en 2014, alors qu’il y avait un million de miles à gagner chez Marriot ! Sauf que je l’ai fait lors de ma partie de reconnaissance… (rires)

Dans le même genre, Lucie André nous confiait récemment qu’elle pensait avoir gagné une Skoda après un trou en un lors d’un tournoi en République tchèque, mais qu’en fait la voiture n’était en jeu que pour le dernier tour*…

Je m’en souviens j’étais présente ! Je l’avais vu en direct, on était tous comme des fous… (rires)

Pour conclure Ariane, quel est le défaut le plus courant chez les amateurs selon vous ?

La précipitation. Plus on s’améliore, plus les pros insistent sur la routine. Cela peut paraître chiant parfois, mais c’est avant tout un moment où on installe une confiance à la fois psychologique et physique. Souvent, je vois des amateurs avec une routine magnifique au 1 et il n’y a déjà plus rien au milieu du 3, et j’exagère à peine. Le joueur s’énerve, s’aligne comme un sac et lève son club, advienne que pourra. La routine, c’est pourtant quelque chose de très simple à mettre en place.

Propos recueillis par Franck Crudo

 

* https://swing-feminin.com/lucie-andre-jetais-persuadee-davoir-gagne-une-voiture-apres-un-trou-en-un/