Posté le 7 juillet 2020 dans Golfs, Voyages & Golfs.
Ableiges : golf, nature et émotion
Au cœur du parc naturel du Vexin, au nord-ouest de la région parisienne, le golf d’Ableiges se déhanche délicatement autour d’un bois de 15 hectares, où il n’est pas rare de croiser des biches et des chevreuils. Un parcours qui ne laisse surtout pas indifférent, avec une large variété de trous qui sont autant de défis à relever.
Sa population aurait doublé pendant le confinement. Non, il ne s’agit pas des collectionneurs de double bogey et autres psittacistes de la gratte qui déambulent sur les fairways d’Ableiges en toute saison, ici comme ailleurs. On parle plutôt des biches et des chevreuils qui, à distance raisonnable et dès le green du 1, semblent observer avec effroi le déroulé de votre swing. A moins que ces « petites » bêtes ne soient farouches par nature…
Bordé par la Viosne, un affluent de l’Oise, ce par 72 dessiné il y a plus de trente ans par Jean Garaïalde et Jeremy Pern est un défi quasi permanent. Enclavé dans une de ces vallées – qu’il faudra descendre et remonter à deux reprises – peuplées d’arbres centenaires dont le Vexin a le secret, ce golf a incontestablement du relief, dans tous les sens du terme. Car des hauts et des bas, il n’y en aura pas seulement sur votre carte de score. L’aller et le retour, qui s’entrecroisent, sont le prétexte à une paisible flânerie club en mains, seul l’express de 17h42 venant sporadiquement troubler la quiétude des lieux, une voie ferrée fricotant avec les départs du 5, du 15 et le green du 14.
Au-delà de cette communion avec dame nature, Ableiges c’est avant tout un parcours qui refuse la monotonie et oscille entre une foisonnante variété de dévers, de dénivelés, d’étroits corridors mais aussi de larges avenues verdoyantes où les tenants d’un golf subtil et les bombardiers du dimanche pourront s’en donner à cœur joie, à condition de choisir le bon trou pour cela. Car, comme le souligne à bon escient son directeur, Cyril Ferrand, « un golf réussi, c’est un golf dont on se souvient d‘un maximum de trous ». Ce qui est incontestablement le cas ici.
Passé l’agréable tour de chauffe sur les trois premiers fairways, plutôt larges s’il n’y avait ce satané hors limite tout le long sur le 1 (à gauche) et le 3 (à droite), le trou n° 4 est un premier coup d’éclat, un coup de cœur, un coup de bambou… qu’il s’agit de dompter en trois coups, ça tombe bien. Après une longue marche digne de Mao depuis le green du 3, ce par 3 pas comme les autres se dévoile soudainement à vos yeux ébaubis – les mêmes que ceux des chevreuils découvrant votre swing – et semble tout droit sorti de l’imagination des scénaristes d’Indiana Jones et le Temple Maudit, le pont suspendu en moins.
Le défi est de taille et se résume ainsi : du haut de la « falaise », il s’agit d’alunir sur un bout de green situé 200 mètres plus bas (enlever grosso modo 20 mètres pour les jaunes, 35 pour les bleus, et 55 pour les rouges), cerclé d’un obstacle d’eau à bâbord et d’un hors limite, une quinzaine de mètres à tribord. Bref, la bête se défend bien et le coup se joue en apnée, surtout si l’on ajoute au tableau un dénivelé total d’une bonne soixantaine de mètres qui nécessiterait presque d’avoir fait Math Sup pour déterminer quel club on va devoir sacrifier au bûcher. C’est fou comme, dans ces cas-là, la piste d’atterrissage paraît riquiqui et le système métrique utilisé renvoie moins à des mètres qu’à des miles… marins.
Si vous sortez indemne de l’ordalie, les deux fairways suivants, qui penchent nettement à tribord, nécessitent de trouver le bon équilibre pour ne pas couler à pic. On lâche les chevaux sur le dernier trou de l’aller avant de redescendre la vallée via un diabolique par 5 en entonnoir, qui se rétrécit à vue d’œil, avec l’illusion diffuse de jouer l’un des deuxièmes coups les plus importants de votre carrière. Le par 4 qui suit, toujours en descente et aussi large qu’un top-modèle anorexique, devrait vous inciter à ne pas sortir le Magnum 44 de l’inspecteur Harry pour le premier tir, un simple fer, voire un bois 5 pour les plus téméraires faisant amplement l’affaire.
L’enchaînement du 13 au 15 et ses obstacles d’eau dignes du jardin de Claude Monet à Giverny est une jolie carte postale et le green du 16, qui surplombe une partie du parcours et offre un panorama grandiose est l’occasion étonnante d’avoir le souffle coupé tout en reprenant son souffle. Il faut dire que ce 16e trou n’usurpe pas son handicap 1 sur la carte : tout en montée, le fairway exigu dégouline furieusement vers la droite, à l’instar des pentes du green. Une balle sur la piste, deux putts et un par est, ici plus qu’ailleurs, une excellente performance. Et comme on parlait à l’instant de panorama et de paysage de carte postale, il convient de souligner que le golf d’Ableiges est situé sur la Route des Impressionnistes et d’Auvers-sur-Oise, pays de Van Gogh, Sisley et tant d’autres artistes. Ceci explique cela.
Franck Crudo
*Ableiges est un parcours sélectionné par le Guide des plus Beaux Golfs.de France