Posté le 9 septembre 2019 dans Golfs.
Cruden Bay, rien que pour vos yeux
Au nord-est de l’Ecosse, Cruden Bay est un pur chef-d’oeuvre, souvent classé dans le top 50 des plus beaux parcours au monde. Sur ce links magique, vous en prenez plein la vue… du premier au dernier trou.
Il y a quelques golfs pas comme les autres sur cette planète qui se comptent sur les doigts de la main. Cruden Bay en fait partie. A 30 minutes de route d’Aberdeen, dans le nord-est du pays, ce parcours conçu en 1899 par Tom Morris et Archie Simpson (et rénové en 1920 par Tom Simpson et Herbert Fowler) est un vrai joyau. Quel cadre ! Ici, le moindre divot est une balafre. On aurait presque envie de jouer chaque coup sur un tee pour ne pas égratigner la belle. A Cruden Bay, une petite dizaine de dunes naturelles aussi hautes parfois qu’un immeuble de 10 étages surplombent des fairways gibbeux, délicatement dessinés.
Le départ du trou n°9 est unanimement considéré comme le plus beau d’Écosse. Le panorama est à couper le souffle avec une vue intégrale sur le parcours et en toile de fond le château de Slains (Slains Castle), qui aurait dit-on inspiré Bram Stoker pour l’écriture de Dracula. A tribord, la mer du Nord fredonne une mélopée lancinante et fait danser les alouettes pendant que vous sortez votre driver du sac.
A vrai dire, la magie opère dès le trou n°1 sur ce par 70. Joe, le chaleureux marshall, vous donne quelques conseils, notamment sur la façon d’aborder ce premier fairway, avec son hors limite à gauche et son troupeau d’ajoncs à droite. Cruden Bay, c’est le links écossais à l’état pur. Chaque trou dégage une atmosphère particulière et ne raconte jamais la même histoire. Le quatuor 3–4-5-6 vous garantit un frisson qui dure près d’une heure. Le trou n°3, un court par 4 à l’aveugle ou tout est possible, vous emmène à proximité du vieux village de pêcheur de Port Errol. Constellé de bosses, le 4 est un long par 3 des boules blanches (196 yards des blancs contre 142 yards des jaunes), qui se joue vent de face. Tout près d’ici, le château de Slains, édifié à la fin du XVIe siècle par Jacques 1er d’Angleterre alors qu’il est roi d’Écosse, semble compter les coups. Car le par ici est une bonne performance.
Le trou 5 est une splendeur de par 4 qui plonge vers le green et la mer, en contrebas. Le par 5 qui suit est du même acabit, avec une petite rigole placée sournoisement en amont du green de nature à calmer les plus téméraires qui s’imagineraient pouvoir attaquer le drapeau dès le 2e coup. En fait, tous les trous sortent du lot à Cruden Bay et semblent épouser les courbes naturelles de son littoral accidenté. Outre le 9, à partir duquel on aurait presque envie de taper une dizaine de balles, les trous 10 et 12 évoquent une toile de Jean-Baptiste Corot, qui croquait en son temps des paysages pittoresques. Le 13 est un par 5 chaloupé qui longe la mer du Nord, le 14 et le 15 se jouent à l’aveugle avant de dévoiler – comme si l’on tirait subitement un rideau – un paysage envoûtant. Quant au 16, que l’on attaque de haut, c’est l’un des plus beaux par 3 d’Écosse avec les ruines du Slains Castle à l’horizon.
On sort du green du 18 grisé par ce sentiment délicieux d’avoir vécu l’une des plus belles journées de golf de notre existence. Car comme le confie le légendaire Tom Watson : « Cruden Bay est un bijou, un vrai links, un vrai plaisir… » Amen.
Franck Crudo