Vingt ans après la rétrospective parisienne organisée à Beaubourg, le Centre Pompidou-Metz rend hommage jusqu’au 30 octobre à la personnalité pluridisciplinaire du peintre Fernand Léger. Présentée à la Cité radieuse de Briey jusqu’au 24 septembre, l’exposition Le Corbusier et Léger. Visions polychromes, invite quant à elle, à redécouvrir le bâtiment iconique de l’architecte situé à 40 minutes de Metz.

  • Centre Pompidou Metz - © Roland Halbe
Peintre de la ville et témoin privilégié des mutations de son époque, Fernand Léger (1881-1955) est l’une des figures les plus célèbres de l’aventure de la modernité. De l’avant-garde cubiste à l’engagement communiste, la peinture de Léger reste associée à la vision d’une humanité transfigurée par la machine et la production en série. Pourtant au-delà de ces images puissantes, son œuvre à la fois multiple et cohérente échappe aux catégories et aux mouvements. « Il n’y a pas le beau, catalogué, hiérarchisé. Le Beau est partout, dans l’ordre d’une batterie de casseroles sur le mur blanc d’une cuisine, aussi bien que dans un musée » soulignait l’artiste en 1923 dans L’Esthétique de la machine, l’ordre géométrique et le vrai. La formule de Fernand Léger résonne comme un hymne à la liberté du regard, refusant tout académisme du goût et toute hiérarchie constituée entre les Beaux-Arts et le quotidien. L’artiste fait le constat de la puissance esthétique de la vie moderne, trépidante et colorée, et du défi extraordinaire que celle-ci représente pour les artistes.  Embrassant son parcours dans sa diversité, l’exposition rétrospective Fernand Léger.Le Beau est partout éclaire sous un jour inédit la manière dont l’artiste réinvente la peinture en puisant au spectacle du monde et en s’ouvrant aux autres arts. Sans jamais cesser d’être peintre, Fernand Léger contribue à des domaines aussi variés que le livre illustré, le décor de scène, la peinture murale, le cinéma expérimental, ou le photomontage. Rares sont les peintres modernes à avoir tissé des liens aussi étroits avec des créateurs, venus de l’architecture (Le Corbusier, Charlotte Perriand, Paul Nelson…), du cinéma (Abel Gance, Marcel L’Herbier, Sergueï Eisenstein…), de la danse (Jean Börlin), de la musique (Darius Milhaud, Arthur Honegger…) ou de la poésie (Blaise Cendrars, Vladimir Maïakovski…).

Cinq décennies de création

Réunissant cinq décennies de création, le parcours thématique reflète l’image vivante de la peinture en train de s’inventer. Nourrie par la vitalité de son époque, l’œuvre de Léger a vocation à sortir de son cadre, à se déployer à l’écran, sur la scène ou sur les murs de la ville. Au-delà du renouvellement des formes, son approche transdisciplinaire est lié à son engagement politique et à son désir de faire entrer l’art dans la vie quotidienne. « Pour Fernand Léger, l’objet n’est plus un ensemble de formes inertes, mais un agrégat de cellules vivantes qui animent l’espace. L’objet est donc d’essence dynamique, et son immobilité apparente, sous la grille de la forme, constitue au contraire un élément de mobilité. Aussi Léger choisira-t-il indifféremment des motifs disparates, éléments mécaniques, fleur, corps humain, arbre, clef, etc., de sorte qu’il suggérera des spectacles qui ne pourront, à l’instar de certaines compositions musicales, et aussi conformément à certains principe cubiste, se traduire en aucun autre langage que celui de la peinture » écrivait dans son ouvrage en 1950, intitulé Peinture Moderne aux éditions Skira, le critique d’art et défenseur de la première heure du cubisme Maurice Raynal. Proches dès l’époque de la Section d’or dans les années 1912-1913, Raynal et Léger resteront amis tout au long de leur vie. Le critique rédige la première monographie sur le peintre, commandée en 1920 par Léonce Rosenberg. Le catalogue de l’exposition lui rend hommage par de nombreuses photographies qui témoignent de l’ambiance studieuse dans l’atelier parisien de Fernand Léger ou sportive et festive lors des week-ends passés entre amis en Normandie. A son décès Léger saluera « l’historien de notre époque picturale le plus sensible et le plus compréhensif ». 

Prêts exceptionnels

Cette exposition monographique remarquable s’appuie également sur le prêt exceptionnel de nombreuses œuvres du Centre Pompidou, musée national d’art moderne, (La Noce, Éléments mécaniques, Charlot cubiste, Le Cirque Médrano)  complété de pièces majeures de grandes collections publiques et privées internationales (Le Balustre, Museum of Modern Art de New York, Le Pont, Collection Carmen Thyssen-Bornemisza de Madrid, Le Typographe, Philadelphia Museum of Art). À travers de nombreux documents d’archives, elle présente aussi les différentes facettes de l’homme : auteur de textes fondateurs sur la peinture et sur son temps, grand voyageur, professeur dans l’atelier duquel se formeront des centaines d’artistes. Vingt ans après la rétrospective organisée à Paris, le Centre Pompidou-Metz célèbre sous l’égide éclairée de la commissaire de l’exposition Ariane Coulondre, la personnalité hors du commun d’un grand nom de l’avant-garde. Avec ses prêts exceptionnels, l’exposition s’inscrit comme un événement phare de l’année anniversaire des 40 ans du Centre Pompidou, dont les missions fondamentales entrent en parfaite résonance avec les idéaux de Fernand Léger : ouverture à la création sous toutes ses formes, accessibilité au plus grand nombre. Présentée sur un territoire marqué par l’histoire industrielle, cette exposition thématique trouve sa légitime expression.

Léger et Le Corbusier à la Cité radieuse de Briey

En dialogue avec la rétrospective Fernand Léger. Le Beau est partout au Centre Pompidou-Metz, l’exposition Le Corbusier et Léger. Visions polychromes, présentée à la Cité radieuse de Briey, invite à redécouvrir le bâtiment iconique de Le Corbusier situé à 40 minutes de Metz. L’exposition, conçue en partenariat avec l’association La Première Rue et le Val de Briey, bénéficie du généreux soutien de la Fondation Le Corbusier. Elle relie la pensée de l’architecte à celle du peintre, révélant leur longue amitié marquée par une célébration commune de la couleur. Après avoir découvert la région sur le front de Verdun pendant la Première Guerre mondiale, c’est dans le bassin de Briey, en 1940, que Fernand Léger imagina le décor d’un centre d’aviation populaire. Ce projet de démocratisation de l’aéronautique, interrompu par la guerre, trouve un écho tout particulier dans la passion de Le Corbusier pour ce qu’il nommait les « machines à voler ». Quelques années plus tard, c’est au tour de l’architecte d’explorer la Lorraine, en expérimentant la polychromie dans la construction de la manufacture de Saint-Dié, avant de concevoir son Unité d’habitation à Briey dans les années 1950. Fernand Léger, apprenti dès 16 ans dans un cabinet d’architecture, nourrit un intérêt précoce pour ce domaine. Convaincu de l’interdisciplinarité des arts, il milite en faveur d’une « entente à trois » entre le mur, l’architecte et le peintre. À travers un riche ensemble de documents d’archives, revues, films, photographies, correspondance, nombre de leurs projets liant architecture et peinture, parfois méconnus, sont mis ici en lumière dans un cadre étonnant et exceptionnel.

En 2017, le Centre Pompidou fête ses 40 ans partout en France.

Soixante–quinze lieux partenaires, 50 expositions, 15 spectacles, concert et performances : jusqu’au début de l’année 2018, le centre Pompidou fête les 40 ans de sa création dans quarante villes françaises. De Grenoble à Lille, en passant par Le François en Martinique, Saint-Yrieix-la-Perche, Chambord, Cajarc ou Nice, des événements d’un soir ou des expositions de six mois seront présentées au plus grand nombre. Des propositions qui mêlent expositions, concerts, spectacles de théâtre et de danse, conférences et qui convieront tous les publics à vivre et partager l’originalité du Centre Pompidou.

David RAYNAL

Pour en savoir plus : https://www.centrepompidou.fr/

http://www.centrepompidou-metz.fr/