Posté le 30 janvier 2017 dans Arts & culture.
Augustin passe aux aveux au théâtre Les Déchargeurs
Récit d’une conversion historique, de l’itinéraire initiatique et métaphysique d’Augustin, jeune berbère, brillant intellectuel débauché, qui deviendra Père de l’Eglise et fondateur de la littérature autobiographique. Adapté de la nouvelle traduction des Confessions de Saint-Augustin par Frédéric Boyer, on redécouvre une pensée sans concession, incisive et brutale qui pour ainsi dire naît devant nous « sur le vif ».
Une adaptation « miraculeuse »
M’intéressant depuis mes études universitaires à la philosophie et la mystique, je fus littéralement saisi en 2008 par la nouvelle traduction des Confessions par Frédéric Boyer. Cette nouvelle « écriture par-dessus Augustin » me fit l’effet d’un palimpseste par-dessus le texte originel en latin. M’apparut l’itinéraire d’une pensée de et pour mon temps, poétique et violente, habitée de toutes les brutalités, de toutes les provocations, « mystiquement incorrecte » mais aussi trempée dans l’amour, un amour exigeant, sur-humain « la mesure de l’amour c’est d’aimer sans mesure ». Une lecture revigorante, éprouvante, bouleversante… qui malgré tout ne me souffla pas l’idée d’en imaginer une adaptation pour la scène : trop épais, trop protéiforme, trop prosélyte aussi.
C’était sans compter sur l’esprit « qui souffle où il veut, quand il veut » dit-on : voilà qu’en 2014, Martine Loriau, lectrice opiniâtre des grands textes mystiques, et créatrice d’événements spirituellement culturels vint voir au Théâtre Les Déchargeurs Au banquet de Marianne dans lequel je jouais, entre autres, un Jean Jaurès exalté, sensuel et gourmand. Martine fit un lien entre SON Augustin et MON Jaurès. Elle me soumet son adaptation des Aveux, fruit d’insatiables relectures, d’une connaissance érudite du personnage et du contexte historico-théologique des premiers siècles de la chrétienté, avant le triomphe séculier de l’Église et les tentations des pouvoirs temporels.
Ce qu’elle avait su extraire du texte de Frédéric Boyer, la manière dont elle l’avait recomposé, m’ont immédiatement convaincu. Elle avait trouvé le bon point de vue, et de là, son essence, sa nécessité toute théâtrale : celui de la trajectoire, contrariée et pourtant inéluctable, d’un jeune intellectuel jouisseur vers la révélation de la foi. Là où il ne s’agit plus de croire, mais de recevoir. Elle avait su, non sans humour, mettre en ombres et lumière le masochisme jouissif de celui qui brûle ce qu’il a adoré et adore ce qu’il a brûlé. Elle avait su reconstituer une sorte d’enquête toute intérieure, comme un thriller palpitant où chacun (Augustin et Dieu) se distribue des coups… de théâtre !
A la recherche de toujours plus d’efficacité et de pertinence théâtrale, nous avons continué ensemble de travailler sur l’adaptation, pour aboutir à celle que nous vous proposons aujourd’hui.
Dominique Touzé
Un binôme d’acteur et musicien
Voici l’homme !
Par une mise en scène minimaliste (mais toute en précisions) ; dans une scénographie suggérant avec simplicité et poésie la métaphore plurielle du tribunal des hommes, de la chaire du prédicateur et du rituel intime et secret d’une confession (tour à tour intellectuelle, psychanalytique et métaphysique) ; en jouant sur la double origine étymologique du mot AVEU de advocare (appeler près de soi) et confiteor (avouer une faute) ; l’objectif dramaturgique est ici de montrer l’homme plutôt que le saint : l’itinéraire compliqué, ambigu mais rédempteur de celui qui questionne, avec sincérité et sans tabou, la dérive du désir, la vanité des passions, mais qui n’hésite pas à se souvenir du Jardin des Délices avec joie, gourmandise et sensualité.
Il s’agit ici de faire éprouver/partager au spectateur combien la Révélation peut s’inscrire dans la chair… et la transfigurer ; parce que « si tous les saints ont un passé tous les pêcheurs ont un avenir. »
Du cliché Bach aux arabesques orientales
’acteur est ici soutenu d’un musicien, comme Augustin est soutenu de Dieu. La musique (qui sait le mieux dire l’indicible) accompagne, dialogue, murmure, soutient, se fâche (et se moque aussi), souffle au protagoniste ce qu’il devrait entendre, sinon comprendre : « Quand tu écoutes ce que je te dis, et que j’écoute ce que tu me dis, où l’entendons-nous ? Ce n’est ni en toi ni en moi, mais dans une autre intelligence. »
Le musicien est donc une métaphore angélique de Dieu. Un Dieu jeune, beau et sensuel. Un Dieu de l’amour sans concession qui vous retourne comme une crêpe (volte face) ou plutôt comme un gant (l’intérieur devenant l’extérieur, à vif). Un dieu d’infinie compassion, se plaçant à la hauteur finie de l’homme, un dieu complice (et non juge) qui, en fin de récit prendra l’apparence de l’ami Ponticien, déclencheur de la célèbre conversion dans la solitude d’un petit jardin milanais.
Pour interpréter sa création musicale, Guillaume Bongiraud sera en alternance avec Clémence Baillot d’Estivaux.
Informations pratiques
du 02/02/2017 au 01/04/2017
relâche le 16 février
Théatre Les Déchargeurs
3, rue des déchargeurs
75001 Paris
Métro Châtelet
Salle La bohème
Durée : 1h05
jeudi & vendredi : 21h15
samedi : 17h