Posté le 28 mai 2020 dans Actualité.
Laurent Boissonnas : « Certains golfs ont perdu près de 90 % de leur chiffre d’affaires green fee depuis la réouverture »
Laurent Boissonnas est un acteur important du golf en France, qui a plus d’un club dans son sac. Directeur général d’Open Golf Club, la chaîne de golfs touristiques haut de gamme, il est aussi président du Groupement des Entrepreneurs de Golf Français (GEGF). Pour Swing Féminin, il évoque notamment les conséquences de la crise actuelle sur des parcours qui ne sont pas tous impactés de la même manière.
En France, sur les 730 terrains de golf, plus de 530 sont exploités par des sociétés commerciales qui emploient entre 8 et 20 salariés en moyenne. Le GEGF représente ces golfs commerciaux vis-à-vis de l’administration. Sont-ils beaucoup plus touchés que les autres par la crise actuelle ?
Les golfs commerciaux n’ont pas la même structure de revenus que les golfs associatifs, dont les recettes sont liées aux cotisations versées par les membres. Qu’il vente, qu’il pleuve ou que le golf soit fermé, les cotisations sont encaissées en fin ou en début d’année. Pour les golfs commerciaux, les abonnés et les greens fees peuvent générer jusqu’à 75 % du chiffre d’affaires, la moyenne se situant autour de 35 %. L’équation est simple : plus vous êtes dépendant du green fee, plus vous êtes vulnérable face à la crise. D’autant que l’ouverture récente des golfs ne compense pas toutes les annulations des réservations de groupes et d’entreprises, l’annulation des événements, l’absence des touristes, la fermeture des restaurants et, pour certains, des hôtels. D’après les indicateurs du GEGF, les golfs commerciaux ont en moyenne perdu 140 millions d’euros de chiffre d’affaires pendant les huit semaines de fermeture, soit presque 20% de leur chiffre d’affaires annuel.
Parmi les golfs commerciaux, tous ne sont pas non plus frappés de la même manière par la crise ?
Non, il y a même de très grandes disparités. Pour les golfs proches des grandes villes, notamment ceux de la région parisienne, qui attirent les joueurs des environs, on a constaté une augmentation du nombre de green fees depuis le déconfinement le 11 mai, par rapport à la même période l’an dernier. A l’inverse, certains golfs situés dans des zones touristiques, dont la clientèle vient majoritairement de l’étranger, ont perdu près de 90 % de leur chiffre d’affaires green fee par rapport à l’an dernier, sur ces quinze derniers jours ! C’est le cas notamment des golfs du Nord-Pas-de-Calais ou de la Côte d’Opale. Pour certains golfs du sud-ouest et du sud-est de la France, c’est une perte de 70 à 80 % de leur chiffre d’affaires green fee depuis la réouverture !
L’absence de touristes se fait dont cruellement sentir pour certains ?
Oui car ces golfs, par exemple ceux de la Côte d’Opale, font la moitié de leur chiffre d’affaires annuel grâce aux touristes étrangers, les plus grandes périodes de réservations étant mai-juin-septembre. Et cette année, c’est 0 réservation jusqu’à septembre. Sans oublier le manque à gagner lié à la restauration qui constitue en moyenne 1/3 du chiffre d’affaires de 45 % des entreprises qui exploitent aussi un restaurant.
Les golfs bénéficient-ils d’aides de la part de l’État ?
Ils bénéficient du plan de sauvegarde de l’économie française : activité partielle, compensation, retour de charge, décalage de certains remboursements bancaires, possibilité de prêts garantis par l’État, recours au fond de solidarité… La question, c’est combien de temps cela va durer, car ce plan est initialement prévu jusqu’au 31 mai. Des secteurs comme le tourisme et les loisirs bénéficient d’aides accrues et des discussions sont actuellement menées pour que notre secteur puisse également en bénéficier. L’ouverture le 11 mai a constitué un véritable bol d’oxygène pour tout le monde mais ne résout pas tout car les restaurants restent fermés, les événements golfiques sont annulés et les touristes ne sont pas là. Le golf en France est un vrai outil d’aménagement du territoire et a un réel poids touristique. Dans tous les départements, il y a des golfs. Cela justifie l’intégration de notre filière dans le plan de soutien au tourisme et aux loisirs.
Les banques jouent-elles le jeu auprès des golfs ?
Une grande enquête a été menée, sous l’égide de la Fédération, pour mesurer l’impact de la crise sur nos golfs. Environ 530 golfs ont déjà répondu à cette enquête, un chiffre énorme qui montre que chacun se sent concerné. Beaucoup de golfs ont été contraints de demander de l’argent à leur banquier. Au début, il y a parfois eu un malentendu, certains pensant qu’on pouvait demander de l’argent sur la base de deux mois du chiffre d’affaires. En fait, le prêt garanti par l’État est un vrai prêt, qui nécessite une enquête préalable, même si les banques ne prennent que 10 % du risque. Or, la fragilité structurelle de certains golfs fait qu’ils n’ont pas pu obtenir ce prêt. Après, je sais que les pouvoirs publics ont demandé aux banques de faire preuve de plus de souplesse, qu’il y a des recours possibles auprès des médiateurs du crédit.
D’une manière plus générale, comment faire selon vous pour attirer davantage de joueurs sur nos parcours ?
Le golf souffre toujours d’une mauvaise image en France. Il y a un gros travail à faire pour rendre le golf plus cool, plus fun, plus moderne. On a déjà fait des progrès. La Fédération et les golfs utilisent de plus en plus les réseaux sociaux, une application comme Kady vient de voir le jour… La clé, selon moi, c’est de rapprocher le golf des Français. Notre sport est perçu à tort comme peu accessible, trop cher. C’est une vraie problématique marketing.
Et pour les touristes ?
Concernant le tourisme, la filière est à réinventer. On fait face à une concurrence énorme, qui bénéficie parfois de gros moyens de communication. Le ministère du tourisme du Portugal dépense plusieurs millions d’euros pour la promotion du golf. On en est encore loin. Il faut réussir à capitaliser sur nos atouts, sur l’art de vivre à la française. Nous sommes la première destination touristique au monde et chaque année, entre 16 et 18 de nos parcours sont classés parmi les 100 meilleurs d’Europe continentale. Nous avons aussi besoin que nos agences de voyages proposent des packages attractifs pour les golfeurs étrangers.
Vous êtes également le directeur général d’Open Golf Club, une chaîne de golfs touristiques haut de gamme, qui propose un catalogue de 52 golfs réputés. Comment est née cette belle aventure et combien de membres avez-vous aujourd’hui ?
C’est une affaire de famille. Ma famille est dans le tourisme et le sport depuis les années 60, dans la montagne d’abord, puis le tennis et le golf. La marque Open Golf Club a été créée en 1987. Nous comptons aujourd’hui un peu moins de 5000 abonnés. On pourrait avoir plus de membres, mais nous misons avant tout sur la qualité de notre offre.
Qu’est-ce qui vous distingue principalement de vos concurrents ?
Notre positionnement, plus proche des lieux de loisirs et de vacances. Nous avons une stratégie axée sur la qualité et l’environnement. Nous proposons des parcours d’architecte, des parcours qui ont une histoire…
Votre frère Patrice, justement, est architecte de golf*. Qu’est-ce qui vous attire en premier dans un parcours ?
Je suis très sensible à l’environnement. Le golf doit être avant tout une belle balade, une communion avec la nature. Ensuite, je suis sensible à l’intérêt du jeu, à la variété des coups qu’on peut taper du départ, que ce soit des blancs, des jaunes, des bleus, des rouges… Est-ce que je m’amuse pendant la partie ? On assimile souvent les golfs les plus durs aux plus beaux et je ne suis pas d’accord. On peut se faire plaisir sur un golf plus court, avec un bel environnement. C’est un vrai plaisir par exemple de jouer le golf de Servanes, lové dans les Alpilles, avec des obstacles d’eau bien placés…
Outre la France, le Benelux et l’Espagne, Open Golf Club propose aussi la Suisse, dont le nouveau parcours d’Andermatt**, qui est sans doute l’un des plus beaux golfs de montagne au monde…
Oui, la Suisse est notre dernière destination. A l’instar des Belges, les Suisses ont fait évoluer leur business model. Ils possédaient auparavant pour l’essentiel des golfs de membres assez fermés. Ils ont désormais une vraie volonté d’ouvrir leurs portes aux plus jeunes et aux touristes. Nous leur permettons d’être une vitrine pour un nouveau type de clientèle de qualité, avec des valeurs.
Avez-vous des projets pour Open Golf Club ?
Aujourd’hui, nous sommes surtout concentrés sur la nécessité de surmonter la crise actuelle. Mais nous évoluons, notamment dans le domaine du digital. Nous proposons un nouveau moteur de réservation online et allons refaire prochainement notre portail d’accueil ainsi que tous les sites de nos golfs.
Quel genre de golfeur êtes-vous ?
Pour moi, le golf est avant tout une belle balade et un loisir. J’ai eu la chance de commencer assez tôt, vers 9-10 ans, et d’avoir de bons profs. Je continue à prendre une ou deux leçons par an. Je joue deux fois par mois en moyenne, avec des amis, souvent en région parisienne. Mon index est de 11, mais je me demande comment je l’ai obtenu car je ne le joue quasiment jamais. Dans les mauvais jours, je peux même jouer le double ! Je perds 4 ou 5 balles par parcours, il faut dire que contrairement aux pros, on n’a pas le public ou les arbitres pour nous aider (rires).
Votre golf préféré ?
Saint Germain. J’aime l’architecture du parcours, l’environnement. On est en pleine campagne, à moins d’une demi-heure des Champs-Élysées. Chaque trou a son propre caractère, ses propres pièges, aucun n’est facile. C’est un parcours très amusant. J’aime bien aussi les petits golfs à l’ancienne, comme celui de Valbonne.
Propos recueillis par Franck Crudo
*http://www.patriceboissonnas.com/
2 réponses à “Laurent Boissonnas : « Certains golfs ont perdu près de 90 % de leur chiffre d’affaires green fee depuis la réouverture »”
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