Benoit Ducoulombier a contribué à la victoire de nombreuses golfeuses françaises et entraîne aujourd’hui quelques-uns de nos meilleurs joueurs, parmi lesquels Victor Dubuisson, Romain Langasque ou encore Antoine Rozner, récent vainqueur sur le circuit européen. Interview.

Benoit Ducoulombier

Vous entraînez de nombreux joueurs français de haut niveau*, au golf de Saint-Donat dans les Alpes-Maritimes. Vous voyagez souvent à leur côté durant une saison ?

Je travaille à mon compte depuis deux ans, mais lorsque j’étais entraîneur fédéral, je suivais mes joueurs sur 20 à 30 tournois chaque année. En 2019, j’ai dû me rendre à une quinzaine de tournois, mais l’an prochain je devrais en faire 5 ou 10 maximum. Je ne veux plus aller aux Etats-Unis et faire de longs voyages. Cela dépendra aussi de mes joueurs, car ce sont eux qui prennent en charge les frais. Si j’ai un seul joueur à Abu Dhabi par exemple, je n’irai pas, il faut qu’ils soient au moins deux ou trois. De toute façon le travail de fond, on le fait à Saint-Donat, où les installations sont excellentes. Au practice, on joue avec des Pro V1 sur une herbe de grande qualité.

Comment définiriez-vous votre méthode de coaching ?

Je m’appuie sur ce qui fonctionne depuis des années. En premier lieu, il y a les basiques, le grip, l’installation devant la balle, la posture, la routine, tout ce qui se passe avant. J’interviens très peu pendant le swing – hormis peut-être le waggle qui donne le take away – et beaucoup sur la fin du swing. Je travaille aussi beaucoup par rapport à la trajectoire de la balle.

C’est-à-dire ?

Plutôt que de changer le swing d’un joueur, je vais essayer de le faire jouer sur une trajectoire différente par rapport à sa tendance. Si quelqu’un a du mal à taper un draw, je vais essayer de comprendre pourquoi. Neuf fois sur dix, les erreurs viennent juste de tout ce qui précède le swing, l’installation, la posture… Si un joueur a un grip faible, je fais en sorte qu’il prenne de lui-même un bon grip en modifiant sa façon de jouer, sans lui toucher les mains. Je n’ai pas besoin de travailler avec un trackman puisque la balle nous donne toutes les infos essentielles.

Quel est le défaut le plus fréquent chez les amateurs ?

Les basiques justement et notamment la façon de poser le club devant la balle. La face trop ouverte, le club de traviole, le manche trop en avant ou en arrière, je vois de tout et cela fausse tout le reste. Ils sont généralement très fort pour regarder des vidéos sur Internet mais beaucoup moins pour poser correctement la face du club (rires).

Et le défaut le plus fréquent chez les pros ?

Chez les jeunes pros, c’est la même chose, cela touche tous les index. Pour les joueurs de haut niveau, c’est plutôt la tendance à se perdre, à aller farfouiller à droite à gauche quand ça va moins bien, à ne pas accepter les périodes de creux, qui sont pourtant inévitables. S’ils ratent 2-3 cuts, ils vont avoir tendance à tout remettre en cause, à tout changer, à tenter autre chose. Mais il ne faut pas se leurrer : ils ne font que reculer ou perdre du temps et tôt ou tard, ils reviennent toujours à leur ancien système et à leur swing originel.

D’où vient votre surnom, le Druide ?

Cela date de l’époque où Victor (Dubuisson) était au top. J’avais donné une longue interview télé à Dubaï. Il faisait très chaud et comme j’étais abrité sous un arbre… c’est parti de là (rires).

Il paraît que vous ne jouez quasiment plus au golf…

Ces quinze dernières années, j’ai dû faire en moyenne deux fois 9 trous chaque année. Je n’ai pas vraiment le temps. Et quand j’en ai, je m’occupe de mon jardin, je vais cueillir des champignons… Ceci dit, je me suis mis à retaper la balle il y a trois mois, j’ai refait tous mes grips qui étaient bien poussiéreux. Mais je préfère me concentrer sur mes joueurs plutôt que sur mon jeu. Si je joue avec eux, ils vont me mettre 70 mètres au drive et ça va m’énerver (rires). Et puis j’ai de gros problèmes aux pieds, c’est la raison pour laquelle j’ai arrêté ma carrière de joueur d’ailleurs. J’ai eu des tendinites, des aponévroses, les tendons déchirés, j’ai subi deux opérations, j’ai fait des injections de plasma. J’ai dû voir une quinzaine de podologues différents dans ma vie.

Quelles sont les joueuses françaises de haut niveau que vous avez coachées ?

Il y en a beaucoup, j’ai 11 victoires sur le circuit européen avec mes joueuses, dont 4 avec Stéphanie Arricau, 2 avec Virginie Lagoutte et Jade Schaeffer, il y a aussi Gwladys Nocera, Isabelle Boineau… Aujourd’hui, je ne m’occupe plus que de deux joueuses : Lucie Malchirand et la Marocaine Maha Haddioui.

On assiste ces dernière années, surtout chez les hommes, à une course à la puissance. Que faut-il faire selon vous pour endiguer ce phénomène qui dénature le jeu et donne un coup de vieux à certains parcours  ?

Le matériel a beaucoup évolué, notamment les bois qui ont gagné en tolérance. Les joueurs peuvent davantage se « déchirer » qu’avant. La longueur des manches est excessive. Les joueurs sont aussi de véritables athlètes désormais. Mais il y en a qui se transforment en six mois et deviennent des armoires à glace. Cela fait un peu peur, à 50 ans que deviendront-ils ? Certains font même plusieurs séances de musculation par jour ! Pour contrecarrer cette tendance, il va falloir préparer les parcours différemment, fermer les entrées de green, empêcher de couper les lignes… Il va falloir aussi durcir les règles, limiter la taille des clubs, la longueur des manches et l’effet trampoline des faces ou encore jouer avec des balles décompressées. Cela permettrait à certains parcours de ne pas être dépassés. Mais les gros frappeurs taperont toujours plus loin que les autres quoi qu’il arrive.

Quel est votre meilleur souvenir en tant qu’entraîneur ?

(Il réfléchit) La première victoire, l’année où Stéphanie Arricau gagne l’Open de France féminin et Jean-François Remesy la semaine d’après chez les hommes (en 2004). Mais toutes les victoires sont belles. Je dois en totaliser une dizaine sur le circuit européen chez les hommes, une dizaine chez les filles, et pas loin d’une trentaine sur le Challenge Tour. Avec les victoires, réussir à faire monter mes joueurs sur le Tour Européen, c’est sans doute ce qui me procure le plus d’émotion. Au total, j’ai dû amener une quinzaine de joueurs sur le circuit européen et quatre d’entre eux, rien qu’en 2019 (Grégory Havret, Adrien Saddier, Antoine Rozner et Robin Roussel). C’était un moment fort.

Propos recueillis par Franck Crudo.

* Notamment Victor Dubuisson, Grégory Havret, Mathieu Pavon, Adrien Saddier, Julien Quesne, Romain Langasque, Robin Roussel, Antoine Rozner chez les hommes, Lucie Malchirand chez les femmes.

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