A 38 ans, l’ancienne n°1 française Sophie Giquel co-dirige aujourd’hui MyGolfCare, un concept qui utilise les bienfaits du golf pour mieux gérer son stress et améliorer son énergie, sa santé et ses performances, notamment dans le monde de l’entreprise. Pour Swing Féminin, elle évoque sa nouvelle vie et revient sur sa carrière.

Sophie Giquel

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Bonjour Sophie, vous avez arrêté votre carrière il y a près de deux ans maintenant, après l’Open de France. Pour quelles raisons ?

J’avais envie de me poser, de moins voyager, de fonder une famille. Je n’avais plus vraiment la flamme, la motivation… Le Tour Européen n’était pas non plus en grande forme à cette époque.

Vous êtes désormais consultante pour Canal+ et Golf+. Derrière le micro, vous parvenez à vibrer devant les exploits de vos ex-collègues autant que lorsque vous étiez sur les greens ?

Je ne vibre pas autant, c’est normal, mais je prends du plaisir, je suis davantage dans le partage. Ce qui me plaît lorsque je commente un tournoi, c’est de faire le lien entre ce que l’on voit à la télé et ce que moi j’ai vécu sur le parcours. Si une joueuse ou un joueur rate un putt important de moins d’un mètre, beaucoup de téléspectateurs vont se dire qu’elle a ou qu’il a raté l’immanquable, alors qu’ils ne font que ça toute la journée. A moi d’expliquer que dans ces situations-là, avec la pression, le stress, c’est loin d’être facile, même si on rentre ces putts à chaque fois sur le putting-green.

Vous avez également cofondé MyGolfCare* fin 2019. De quoi s’agit-il ?

Avec mon associée Véronique Valles-Vidal (une ancienne infirmière libérale dirigeante d’un réseau de santé), on aide les entreprises, les dirigeants, les managers à mieux gérer leur stress, leur énergie en leur donnant des clés pour être en santé grâce au golf. Nous utilisons le golf comme support. Nous nous adressons aux golfeurs, mais aussi et surtout aux non golfeurs en faisant le parallèle entre les bienfaits de ce sport et notre vie quotidienne. La gestion des émotions, l’activité physique, la nutrition sont des leviers que j’ai utilisés pour être performante en tant que golfeuse professionnelle, mais que toute personne peut utiliser dans sa vie, pas seulement professionnelle d’ailleurs. Avec mon expérience dans le golf de haut niveau et celle de Véronique dans la santé, nous sommes complémentaires. Nous nous sommes également entourées d’une équipe pluridisciplinaire : sophrologue, nutritionniste, médecins du sport, préparateur physique.

Comment cela se passe-t-il concrètement ?

On organise des séminaires, dans un golf ou même ailleurs, autour de quatre ateliers : la gestion de la pensée et des émotions, l’activité physique, la nutrition et le golf. L’atelier golf se fait généralement avec des cibles gonflables et des grosses balles pour le rendre accessible à tous. On propose aussi des workshops ou des conférences sur la thématique du bien-être, de la santé et de la performance. On organise des journées, demi-journées ou soirées sur un golf, en entreprise, dans des lieux insolites… Un programme de formation présentiel et digital est aussi en cours.

Sophie Giquel et Véronique Valles-Vidal.

Vous aviez déjà cette idée en tête durant votre carrière ?

J’ai toujours eu un préparateur physique et mental et fait attention à ma nutrition, cela m’intéressait dès le départ. En pensant à ma reconversion, j’avais envie d’englober et de donner un sens à tout ça, de profiter de mon expérience du sport de haut niveau. Réaliser son plein potentiel et s’accomplir en tant que personne, c’est la quête de chacun d’entre nous. Et c’est dans cet accompagnement que je m’accomplis aujourd’hui.

Quels sont vos clients ?

On travaille avec quelques entreprises comme Allianz, mais on est une très jeune société et avec la crise sanitaire, on a été plutôt freiné dans notre élan, ce n’est pas la période idéale. Nos cibles, ce sont notamment les assurances, les banques, les mutuelles, les laboratoires pharmaceutiques, les grands groupes, les PME… On va les rencontrer prochainement. L’idée, c’est de faire en sorte d’être bien dans sa tête et dans son corps au travail et en dehors, car beaucoup passent des journées entières assis en réunion ou devant un ordinateur. On pourrait ainsi proposer un échauffement le matin, une pause sophrologie vers 11h, un atelier sur l’alimentation durant le déjeuner et en fin de journée, une régénération musculaire à base d’étirements et d’auto-massage pour libérer les tensions. On peut même proposer ce type de prestation à distance, en raison du Covid… Nous répondons complètement aux demandes RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) et aux programmes Sport Santé pour agir sur la santé des salariés.

Vous avez été membre du conseil d’administration du Ladies European Tour, entre décembre 2016 et septembre 2019. Êtes-vous inquiète pour l’avenir du circuit féminin en raison de la crise actuelle ?

Oui plutôt. La situation, avec son lot d’incertitudes, est difficile à gérer. Le LPGA est une grosse entité qui a plutôt bien géré la crise, j’ai des retours réguliers grâce à mon mari (Axel Bettan), qui est le caddie de la Chinoise Yu Liu. Je suis surtout inquiète pour le circuit européen. Le fait que le LPGA ait pris le relais cette année lui a donné un second souffle, mais je crains que les Américains essaient d’abord de sauver leur peau, ce qui est normal, avant de s’occuper du LET…

Vous avez été médaille d’or aux Jeux Méditerranéens, multiple championne de France, n°1 française en 2011 et remporté 3 tournois sur le circuit professionnel. Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?

En fait, j’en ai deux. D’abord ma première victoire au Portugal, sur le LET, en 2007, puis les cartes américaines la même année. Mais ce n’était pas du tout la même sensation. Quand je gagne sur le Tour Européen, cela faisait plusieurs mois que je tournais autour et collectionnait les places d’honneur mais ça ne voulait pas tomber. J’ai vécu cela presque comme un soulagement. Alors que jouer sur le circuit américain, c’était la réalisation d’un rêve, tout s’ouvrait devant moi…

Comment avez-vous vécu cette expérience aux Etats-Unis ?

J’étais proche de Patricia Meunier-Lebouc**, qui m’a pris sous son aile. On était aussi amis avec les Levet, qui habitaient à côté, en Floride. Jean-Claude Forestier, le propriétaire du golf du Vaudreuil, m’a aussi aidé en me prêtant sa maison à Palm Beach Garden. C’est mon mari qui me caddeyait… Bref, sur le papier, beaucoup de choses étaient réunies pour que ça se passe bien. Mais j’ai pris une claque au début, car il y avait un gros écart de niveau avec le circuit européen. Et puis comme je faisais de la tachycardie, j’ai subi une opération bénigne du cœur qui s’est passée moyennement : elle a duré 4 heures au lieu des 20 minutes prévues. Il y a eu des complications, je n’ai pas joué pendant quatre mois. Et au lieu de demander une exemption médicale, j’ai un peu bêtement voulu rejouer direct…

Au final, c’était une expérience décevante ?

Disons que c’était une expérience mitigée. En terme de résultat, ce n’était pas ça mais j’ai éprouvé un vrai plaisir à me mesurer aux meilleures joueuses du monde. Sur le LPGA, j’avais l’impression de jouer l’Evian Championship chaque semaine.

Marion Ricordeau*** nous confiait il y a deux semaines qu’elle avait l’impression d’être une princesse sur le LPGA…

C’est exactement ça, tout est fait pour que ce soit le cas ! Mais vous savez, mon coach était en France, ma famille et mes amis proches aussi. Je puise mon énergie dans la famille, et comme mes résultats aux Etats-Unis n’étaient pas à la hauteur… En plus en Floride, à part le golf, la plage et le shopping, il n’y a pas grande chose à faire…

Vous avez les parcs d’attraction…

Oui, mais ce n’est pas là que je m’épanouis le plus (rires) !

Quel est votre plus mauvais souvenir de golfeuse ?

En amateur, c’était horrible… mais il y a prescription maintenant (rires). J’avais 14 ans et j’étais coachée par Corinne Soulès, qui entraînait l’équipe de France. Elle m’avait encouragé à disputer la Coupe Esmond, qui se jouait au golf de Saint-Cloud, et qui était la compétition phare pour les jeunes. La plupart des filles avait entre 18 et 20 ans. J’arrive et là, au premier tour, j’envoie… 97. La honte de ma vie, j’avais envie de me cacher… (rires) A l’âge de 20 ans, j’ai pris ma revanche en arrivant jusqu’en finale.

Et chez les professionnelles ?

Je me souviens du British Open 2011 à Carnoustie. J’étais super bien placée, autour de la 10e place et j’ai envoyé 80 pour finir 35e. J’avais envie de trop bien faire, je me suis projetée dans le résultat au lieu d’être dans le présent.

C’est quelque chose qui revient souvent chez les golfeurs de haut niveau, la nécessité d’être dans le présent. Anne Marie Palli nous expliquait il y a quelques jours qu’en 1992, à Atlantic City, elle avait rentré un putt de 4 mètres sur le 18 pour pouvoir affronter en play-off puis battre Laura Davis. Et que le secret de sa réussite, c’est qu’elle était parvenue à rester concentrée sur l’instant présent, même si ce n’est pas toujours facile à faire. Lorsque vous aviez un putt très important à jouer, quel était votre processus sur le plan mental ?

J’utilisais deux parades. La première consistait à me concentrer sur mon mouvement, à mettre toute mon énergie sur ce qui dépend de moi, faire du mieux possible. Et si ça ne suffisait pas, je me transposais comme à l’entraînement, je m’imaginais sur le putting-green.

Au golf du Vaudreuil, Guillaume Biaugeaud confisque les portables de ses élèves pendant deux jours s’ils ratent un petit putt, afin de les habituer à putter sous pression… ****

Moi, si on me dit que je ne vais pas manger pendant deux jours, ça va me mettre plus la pression que si on m’enlève le portable ! (rires)

Quel était votre point fort ?

Ma régularité au driving. Aux USA, j’étais classée n°2 sur le nombre de fairways touchés. Je n’étais pas une grosse frappeuse, mais j’ai toujours été droite.

Et votre point faible ?

Il a évolué. Au début c’était mon putting et à la fin de ma carrière, c’était plutôt ma précision dans les attaques de green.

Vous avez déjà réussi un trou en un ?

J’en ai fait deux, mais jamais en tournoi. Le premier, j’étais jeune, c’était en vacances avec mon oncle lors d’un scramble sur le golf de Rhuys Kerver. Le second, au golf d’Albon. Sinon, sur le PIC lors d’un Open de France, j’ai envoyé une balle dans l’eau sur le par 3 du 13. J’ai rejoué immédiatement et la balle est rentrée directe dans le trou !

Quels sont les joueuses et les joueurs que vous admiriez ?

J’aimais beaucoup Annika Sörenstam, elle était très rigoureuse, très professionnelle. C’était une source d’inspiration pour moi. J’étais aussi attirée par Phil Mickelson car il a un jeu très créatif, tout en relâchement, ce qui manquait à mon jeu. Lui aussi m’inspirait pour ces raisons. Je me mettais également dans la peau de Dustin Johnson, pour son côté cool, sa capacité à se détacher du résultat, limite je-m’en-foutiste, en tout cas c’est l’impression qu’il donne.

Quels est le défaut le plus courant chez les amateurs selon vous ?

Le manque de relâchement justement. La plupart sont agrippés à leur club, ça manque de fluidité. Je travaille beaucoup là-dessus en tant que coach.

Propos recueillis par Franck Crudo

*https://www.mygolfcare.com/

**https://swing-feminin.com/patricia-meunier-lebouc-marie-laure-de-lorenzi-et-bernhard-langer-etaient-mes-modeles/

***https://swing-feminin.com/marion-ricordeau-quand-vous-jouez-sur-le-lpga-vous-avez-limpression-detre-une-princesse/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=marion-ricordeau-quand-vous-jouez-sur-le-lpga-vous-avez-limpression-detre-une-princesse

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